Page 696 - Les merveilles de l'industrie T1
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G92 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
la disparition du brick la Lilloise, com I cette différence près que l’eau n’y est pas condensée
et que le dégagement est plus sulfureux. Plus bas
mandé par l’infortuné capitaine Blosseville.
presque au niveau de la plaine, dans les ravins qui
Le capitaine Tréhouart, depuis amiral de découpent la base de la pente, se trouvent les véri
France, dirigeait les recherches au mi tables fumerolles sulfureuses. Deux d’entre elles
crachent encore des jets de vapeur et d’eau analo
lieu des glaces flottantes et des banquises. gues à ceux que fournissent les petites bouches du
Malheureusement on ne put découvrir la groupe des geysers, et seulement plus importants.
Mais ce qui caractérise là, principalement les phé
moindre épave de la Lilloise, et il resta nomènes d’émanation, c’est la prédominance des
prouvé que ce brick avait dû périr corps vapeurs sulfureuses qui allèrent toutes les roches du
voisinage et constituent de véritables solfatares ou
et biens.
soufrières.
La Description géologique de l’Islande, « D’après M. Bunsen qui a fait une étude chimique
approfondie de ces phénomènes, les gaz qui se dé
publiée par MM. Gaimard et Eugène Robert
gagent avec la vapeur d’eau contiennent, avec 80
à la suite de l’expédition de la Recherche, p. 100 d’acide carbonique, 13 p. 100 d’hydrogène
est le seul document scientifique rigoureux sulfuré ou acide sulfhydrique. C’est ce dernier gaz
qui, sous l’action de l’air et de l’eau chaude, se
que l’on possède encore sur ce pays d’une transforme partiellement en acide sulfureux, puis
exploration si difficile. C'est d’après les en acide sulfurique qui attaque les roches, tandis
qu’une partie du soufre se sépare et se condense.
faits consignés dans cet ouvrage, qu’une « Les produits de l’attaque des roches par l’acide
compagnie anglaise, dirigée par M. Thomas, sulfurique sont des résidus argileux qui forment
une boue liquide où l’on retrouve mélangés des
a conçu le projet d’exploiter la soufrière de
fragments de phonolithe ou de tuf imparfaitement
Krisewik (1). attaqués, puis du sulfate de chaux ou de gypse, qui
On ne peut rien préjuger encore du résul ! forme au-dessus de cette boue les croûtes concré-
tionnées sous lesquelles se dépose le soufre en géodes
tat de cette entreprise industrielle, tentée cristallines, enfin des sulfates d’alun ine et de fer
au milieu des déserts de l’Islande. Quoi qui s’effleurissent sur quelques points à la surface
des dépôts boueux ou des concrétions gypseuses. I.a
qu’il en soit, pour donner au lecteur une masse des boues et des concrétions reste imprégnée
idée des soufrières de Krisewik, nous rap d’un excès d’acide sulfurique qui lui communique
une acidité très-prononcée ; de l’hydrogène sulfuré
porterons un passage de la relation qu’a
non décomposé et de la vapeur de soufre non con
donnée M. de Chancourtois, dans son Excur densée, et aussi un peu d’acide sulfureux, s’échap
pent et imprègnent l’atmosphère de leurs odeurs
sion en Islande pendant le voyage du prince
caractéristiques, en la troublant d’ailleurs par un
Napoléon dans les mers du Nord, de sa visite brouillard opalin dans le voisinage des fume
rolles.
aux soufrières de Krisewik.
«Telle est la constitution des soufrières, au milieu
desquelles on ne doit s’aventurer qu’avec précau
« Le groupe de Krisewik, dit M. Ch. Edmond, est tion, car la rupture des croûtes salines, qui craquent
situé sur le versant sud-est de la chaîne qui domine sous les pas, plongerait l’explorateur imprudent
la plaine du lac Kleifavatn, en formant le bord du dans un abîme de boue brûlante. On ne peut éviter
massif montagneux développé au nord de Krisewik. d’y endommager au moins ses bottes et ses habits;
dans la presqu’île du Gerlbringusysla. Ce massif est mais on esi payé de ses peines par les belles géodes-
principalement composé de tuf pyroxénique ou pa- de soufre fibreux, cristallisé ou stalactiforme, que
lagonitique traversé et surmonté par des coulées l’on découvre en brisant les concrétions gypseuses
de phénolithes. Lavallée de Mohals, qui le découpe au milieu desquelles ce soufre sublimé se con
intérieurement, est remplie par une énorme coulée dense.
de lave basaltique, et au-dessus du point où se trou «Les soufrières deKrisewik sont trop peu importan
vent les soufrières, la chaîne du tuf est disloquée tes pour donner lieu à une exploitation utile. Elles
et coupée de dykes de laves, qui prouvent la pré sont surtout intéressantes au point de vue scientifique,
existence, en ce point même, de phénomènes érup comme montrant clairement la liaison des phéno
tifs importants. Vers le milieu du flanc de la mon mènes geysériens et des émanations sulfureuses. Ces
tagne, on rencontre deux bouches qui jettent des deux termes de la manifestation continue de l’ac
jets violents et considérables de vapeurs ; les phé tivité volcanique se retrouvent séparés ou com
nomènes qu’offrent ces bouches d’émanations sont binés dans plusieurs localités de l’Islande (f). »
tout à fait du même ordre que ceux des geysers, à
(I) Voyage dans les mers du Nord, à bord de la corvette
(1) Voir le journal Les Mondes de M. l’abbé Moigno, la Reine-Hortense, par Charles-Edmond (Choiezki). Paris,
tonie XXX, pages 517-519 (mars 1873). 1 1857, in-8, pages 96-97 des Notices scientifiques.