Page 700 - Les merveilles de l'industrie T1
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696                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

             voient de leur temps à l’extraction du soufre.  tières terreuses qu’il traverse, ce qui déter­
               Pour nous, physiciens et chimistes, il   mine une perte de soufre. Ensuite le soufre
             semble que le seul système rationnel d'ex­  obtenu est nécessairement impur, car il est
             traction du soufre consisterait à renfermer   chargé de toutes les matières étrangères qu’il
             les terres soufrées dans une capacité de   enlève aux terres qu’il rencontre en coulant.
             pierre ou de métal exactement close (afin   De plus, si la masse est trop chauffée et que la
             d’empêcher l’accès de l’air, qui brûlerait le   température arrive à 150°, le soufre s’épais­
             soufre), puis à chauffer cette capacité, au   sit. devient visqueux et cesse de couler. Di­
             moyen d’un combustible, bois ou charbon,   sons enfin que le soufre qui sert à chauffer la
             brûlant à l’extérieur. La chaleur extérieure   masse, par sa combustion, répand dans l’air
             appliquée à la chambre close contenant les   du gaz acide sulfureux, qui exerce sur la
             terres soufrées, déterminerait la fusion du   végétation des campagnes, dans un rayon
             soufre, et l’on recueillerait le produit à   fort étendu, une influence très-nuisible. Ce
             l’état liquide, par un canal d’écoulement qui   dernier fait est si patent que les meules de
             l’amènerait au dehors. En chauffant plus   soufre sont interdites pendant tout l’été,
             fortement, on pourrait faire de cette capa­  une partie du printemps et de l’automne ; de
             cité close un véritable alambic, et obtenir   sorte qu’elles ne marchent guère que cinq
             le soufre par distillation. Le soufre réduit   six à mois par an.
             en vapeurs se condenserait le long d’un ca­  Voilà bien des inconvénients, bien des
             nal, et s’écoulerait à l’état liquide. Mais en   vices de ce système; arrivons pourtant à sa
             Sicile, le manque de combustible empêche   description.
             de suivre ce procédé, prescrit par le raison­
             nement. Telle est du moins la réponse que    Le traitement des minerais de soufre de
             font les Siciliens à cette objection des hom­  Sicile s’est fait, jusqu’à l’année 1851 environ,
             mes de science.                            dans de petites meules, qui ne contenaient
               La chaleur nécessaire à la fusion du soufre !  pas plus de 2 mètres cubes, ou 4,000 kilo­
             ne pouvant être empruntée à aucun combus- .  grammes de minerai. On appelait carcarello
             tible à portée de lamine, on demande cette   cette espèce de meule de forme conique,
             chaleur au soufre lui-même. On brûle une j  composée de blocs de minerai, à l'intérieur
             partie du minerai de soufre, et la chaleur   de laquelle on faisait brûler du minerai.
             développée par la combustion de ce corps   Avec cette petite quantité de matière la fu­
             provoque la fusion du reste du soufre, qui   sion du soufre était très-prompte, mais la
             s’écoule de la masse, et est recueilli à l’état   perte était énorme : on ne recueillait pas
             liquide. En d’autres termes, on construit   plus de 30 pour 100 de la teneur du minerai
             avec les blocs dominerai, une sorte de meule, !  en soufre. En augmentant dans des propor­
             semblable à une meule à plâtre, et l’on   tions considérables, le volume des meules à
             échauffe toute la masse en faisant brûler du ,  soufre,on réalisa un perfectionnement d’une
             soufre à l’intérieur de cinq ou six cheminées !  grande importance.
             ménagées dans l’épaisseur de la meule.      Aujourd’hui, les meules que l’on construit
               Ce mode de traitement a des inconvé­    en Sicile, et que l’on désigne sous le nom de
             nients de plusieurs genres.               calcaroni, ont des capacités qui vont jusqu’à
               En principe, il est d’abord irrationnel de :  1,000 mètres cubes et un diamètre de 20 mè­
             détruire une partie de la substance même que !  tres. Le poids de minerai que renferme un
              l’on veut recueillir. Une certaine quantité de   calcarone, va jusqu’à 800 tonnes. En opé­
             soufre reste nécessairement mêlée aux ma­  rant sur de pareilles masses, on est parvenu
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