Page 575 - Les merveilles de l'industrie T1

INDUSTRIE DU SEL 571

l’intérieur du sol. Mais quand il est amené à du forage, qui donne, du premier coup,
l’air libre, la pression cessant, le gaz acide une eau aussi chargée de sel que l’eau de la
carbonique, qui dissolvait les carbonates de mer, et que l’on peut, par conséquent, diriger
chaux, de magnésie, de fer, se dégage et les immédiatement dans les chaudières, pour
sels se précipitent. la concentrer par la chaleur et l’amener à
Le sulfate de chaux se sépare également cristallisation.
des eaux salées pendant leur concentration
dans les bâtiments de graduation ; de sorte Nous ne terminerons pas ce sujet sans si­
qu’en définitive, l’eau arrive dans les chau­ gnaler une légère modification de ce procédé,
dières privée de la plus grande partie des modification qui a été réalisée, depuis plus de
éléments étrangers au sel marin et presque deux siècles, dans les salines de Moustiers, en
réduite à la substance utile. Savoie. Dans cette usine, on remplace les
bâtiments de graduation par de simples cor­
Les inconvénients des bâtiments de gra­ des tendues verticalement. Cet artifice active
duation pour l’évaporation des eaux salées singulièrement la vaporisation de l’eau. On
sont aujourd’hui bien connus. 11 y a d’abord fait couler continuellement les eaux salées
une perte notable de l’eau, perte qui aug­ le long de ces cordes. En raison du sulfate
mente avec la hauteur de la chute et la force de chaux qui s’y dépose bientôt, la corde
du vent. Cette perte n’est jamais moindre de grossit, ce qui augmente peu à peu la sur­
10 p. 0/0 du volume de l’eau, et elle peut face d’évaporation. On enlève, avec un ra-
aller jusqu’à 20 p. 0/0. En outre, la lenteur cloir, le sulfate de chaux, à mesure qu’il se
de ce procédé, l’espace énorme qu’il exige, dépose, et on fait couler de nouvelle eau sur
ainsi que l’entretien des bâtiments, sont ; la même surface.
des inconvénients immenses inhérents à ce Le bâtiment qui sert à évaporer l’eau sa­
système. lée, à Moustiers, est long de 90 mètres. Au
On a fait, de nos jours, cette découverte, sommet du bâtiment sont placés des canaux
fondamentale dans la question, que la miné­ de 13 centimètres de large, espacés entre eux
ralisation des eaux salées augmente avec la de 13 centimètres. Des cordes sans fin de 7
profondeur des terrains à laquelle on les à 8 millimètres de diamètre, passent dans
capte. Une eau ou une fontaine salée coulant des trous percés dans ces canaux, et sont
à la surface du sol, est toujours peu chargée maintenues par des solives au bas du bâti­
de sel. Mais si, sur le même point, on perce ment. Il y a dans la toiture 24 fermes, dans
un trou de sonde,qui aille atteindre une nappe l’intervalle desquelles se trouvent douze ca­
profonde de lamème eau, cette eau aura une , naux, portant 23 cordes chacun, ce qui fait
salure huit à dix fois plus considérable que 46 longueurs de cordes pour chaque canal.
celle qui coule librementà la surface du sol. Comme chaque corde a 8 mètres 1/4 de
De là, cette conséquence qu’il faut sub­ longueur, il a fallu plus de 100,000 mètres
stituer le forage au système d’évaporation i de corde pour construire tout ce réseau
des sources coulant à la surface du sol. Les j évaporatoire.
progrès immenses qu’a faits l’art du sondeur, Une noria élève l’eau, au moyen de seaux,
et la précision qu’ont acquise les connais­ et la fait arriver dans un canal qui règne
sances géologiques, ont amené, de nos jours, dans toute la longueur du bâtiment. Ce ca­
les propriétaires de salines à abandonner nal la distribue dans d’autres plus petits,
le procédé long et pénible que nous venons qui se trouvent entre chaque ferme. De là,
de décrire, et à lui substituer la méthode l’eau passe dans les canaux qui supportent