Page 554 - Les merveilles de l'industrie T1
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550                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                       la clarté qui sc réfléchissait sur la surface de cette   aspects des mines de Wieliska, a été exé­
                       mer souterraine, le chant des bateliers, le bruit des   cutée d’après une planche publiée dans la
                       rames, l’agitation de l’eau, ces habits étranges dont
                       nous étions revêtus, ce vague qu’on pe sait définir,   Pologne pittoresque.
                       mais que l’on éprouve dans des circonstances pareil­  Les mines de Bochnia ne sont point, à
                      les, tout cela avait exalté mon imagination, et je   beaucoup près, aussi étendues que celles de
                       laisse à penser si celle de ma femme était exempte
                       de toute influence. Nous débarquâmes enfin sur   Wieliska. Les galeries vont de l’orient au
                       l’autre rive, incertains encore si le batelier n’exige­  couchant, il y a ordinairement 250 ouvriers
                      rait pas l’obole des morts.               qui y travaillent. Les couches de terre qui
                        « Klakovviez nous fit bientôt descendre aux deux
                                                                s’y trouvent sont à peu près les mêmes que
                      étages inférieurs; après avoir parcouru avec lui une
                      infinité d’autres salles également intéressantes, vi­  celles de Wieliska. Au-dessous de la terre
                      sité les machines, les pompes, il nous conduisit sous   végétale, on rencontre de l’argile, ensuite
                      une voûte où pendaient des stalactites brillants, des
                                                                un sable très-fin et aqueux, et enfin une ar­
                      cristaux réguliers et incrustés de globules de sel
                      semblables à des diamants. Nous admirions depuis   gile noirâtre et compacte, qui couvre le
                      quelque temps ces structures si riches et si variées,   lit de sel. Le sel ne se trouve pas toujours
                      quand, avec le plus grand sang-froid du monde,
                                                                par blocs, en masses ; il est souvent en cou­
                      Klakovviez vint porter sans le vouloir le trouble dans
                      notre âme. « l.e lieu où nous sommes, dit en s’ap­  ches suivies, dont l’épaisseur n’est point par­
                      pesantissant sur les mots le bénin conducteur, cor­  tout la même.
                      respond tout juste au milieu du lac que nous avons
                      traversé tout à l’heure. » A ces mots, ma femme
                                                                  Des découvertes géologiques faites dans
                      surprise par un sentiment de frayeur auquel elle
                      était déjà prédisposée, pousse un cri, se dégage de   ces dernières années, au voisinage des gise­
                      mon bras et court avec précipitation vers le côté   ments de sel de Wieliska et de Bochnia,
                      opposé, j’abandonne aussitôt le guide et cours auprès   sont venues donner à ces mines un intérêt
                      d elle, mais, dans ce même instant, du fond d’une
                                                                nouveau. Sur le versant septentrional des
                      salle voisine une explosion se fait entendre, répétée
                      par tous les échos du souterrain (c’était le bruit   monts Karpathes, dans le voisinage de Wie­
                      causé par un bloc que l’on venait de détacher à   liska et de Bochnia, on a rencontré des
                      l’aide de la poudre). Nous crûmes que c’était la réa­
                      lisation de nos craintes. Je m’imaginai un instant   sources de pétrole, et l’exploitation de ce
                      que les voûtes, affaissées sous le poids du lac, s’é­  liquide naturel a donné naissance aune in­
                      croulaient les unes sur les autres. Vaines terreurs!  dustrie qui a pris en quelques années un pro­
                       *« Bientôt nous fûmes détrompés de notre erreur,   digieux développement. C’est probablement
                      et nous vîmes approcher Klakovviez qui, en souriant,
                      nous expliqua tout le mystère. Il était temps cepen­  hélas ! — disons-le en passant — le pé­
                      dant de quitter ce sombre séjour où nous avions   trole extrait des mines de Gallicie qui a
                      déjà passé huit heures, mais qui demanderait plus   servi aux armées allemandes dans la guerre
                      de six mois, au dire de notre guide, si l’on désirait
                      le visiter en entier. Nous remontâmes au premier   fatale de 1870, à incendier des hameaux et
                      étage, par un escalier taillé dans le sel, et nous re­  des villages entiers de notre malheureuse
                      trouvâmes nos deux enfants un peu inquiets, mais   patrie.
                      heureux de nous revoir. Je laissai quelques schel-   Dans une des salines de cette même ré­
                      lings à Klakovviez qui riait sous cape de notre
                      frayeur; et après avoir fait attacher au câble qui   gion, on a trouvé plus récemment un gise­
                      nous avait descendus une de ces cages qui servent   ment de potasse, substance d’un si grand
                      à élever le minerai, j’y déposai ma femme, mes en­
                                                                intérêt pour l’agriculture et l’industrie.
                      fants, et nous regagnâmes tous ensemble la surface
                                                                  Ces nouvelles découvertes ont ramené
                      terrestre (1). »
                                                                l’attention du monde industriel sur le. sel
                        La figure 346 (page 545) qui donne une   gemme de la Gallicie. Les nombreuses sa­
                      vue des différents travaux et des curieux  lines qui s’échelonnent sur le versant sep­
                                                                tentrional des monts Karpathes, et au pied
                        (1) Revue britannique, septembre 1831, page 163 (tome lit,
                      3e série).                                de leurs derniers escarpements depuis Cra-
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