Page 558 - Les merveilles de l'industrie T1
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551                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                      Cette calotte supérieure une fois enlevée, on fonce   taille; ces bûchers, ainsi disposés, ont l’avantage de
                      de haut en bas un puits vertical, EF, autour duquel   bien répartir les pressions ; les bois s’imprègnent de
                      on s’étend en gradins de manière à enlever succes­  sel et se conservent âinsi indéfiniment.
                      sivement une série de couronnes, pour chacune   «La question de l’épuisement des eaux a pris, dans
                     .desquelles on procède comme pour la calotte supé­  ces dernières années, à Wieliska, une importance
                      rieure. L’abatage se fait en taillant dans la roche   capitale. Nous avons déjà dit comment, en recher­
                      de grands prismes verticaux de 2 mètres de largeur   chant des sels alcalins au mur de la formation sa­
                      sur 0m,50 de profondeur, et sur une hauteur de 3 à   line, on était venu, il y a quelques années, butter
                     4 mètres. Les chantiers sont disposés en échelons,   contre des alluvions aquifères par lesquelles l’eau
                     de telle sorte que, pour découper chacun de ces   douce avait envahi les travaux. Les digues, par les­
                     prismes, il suffit de faire une sous-cave et une en­  quelles on chercha à arrêter l'inondation, furent
                     taille latérale, après quoi l’on peut, avec des coins   promptement tournées par les eaux qui dissolvaient
                      et des leviers, le détacher et le pousser au vide. Le   et délayaient l’argile salifère au milieu de laquelle
                     sel abattu tombe par le puits central dans la galerie   étaient percées les galeries; on dut alors abandon­
                     inférieure, CD, qui sert de galerie de roulage. L’em­  ner aux eaux les deux étages inférieurs de la mine.
                     ploi de la poudre est proscrit comme donnant trop   Une machine d’épuisement de 250 chevaux, installée
                     de menus ; le sel doit être débité soit en blocs pa-   sur l’un des puits, avait permis, à la fin de l’année
                     rallélipipédiques de 0'o,20à 0m,30 de côté, soit sous   1869, de dégager tout le sixième étage, et on espé­
                     la forme d’ellipsoïdes tronqués de 0m,80 de hauteur   rait reconquérir bientôt le septième. Cette machine
                     sur 0m,20 à 0m,30 de diamètre; celte dernière forme   d’épuisement, construite sur les indications de
                     est celle sous laquelle le sel doit être livré à la Rus­  M. Rittinger, est une machine verticale à traction
                     sie avec qui le gouvernement autrichien a conclu   directe et à double effet; une cataracte à huile règle
                     par traité un marché considérable ; elle offre certains   l’admission de la vapeur. La marche de la machine
                     avantages pour la facilité du transport dans les   est irrégulière, et l’absence de contre-poids des tiges
                     wagons, mais elle a l’inconvénient de donner beau­  et des pièces mobiles occasionne des chocs qui cau­
                     coup plus de menus que la première. Les menus et   sent des interruptions fréquentes du travail.
                     les poussières sont remontés au jour dans des sacs;   « L’eau puisée par la machine d’épuisement est
                     mais ils ne sont pas comptés aux ouvriers, qui sont   presque saturée de sel; mais, faute d’appareils d’é­
                     payés à la tâche d’après le nombre de blocs produits.  vaporation, on la laisse s’écouler dans le ruisseau
                       « Tel est le mode d’abatage des grandes lentilles   voisin sans la recueillir, et cette richesse est gratui­
                     de Grünsalz; quant aux couches de Schibikersalz et   tement perdue. Nous trouvons là la trace de l’in­
                     de Spizasalz, on les exploite par de larges fronts de   souciance routinière qui préside à l’exploitation des
                     taille, dont on pousse l’avancement dans la couche   mines par le ministère des finances autrichien, aussi
                     suivant sa direction. De distance en distance, des   bien dans les salines de Pologne que dans les mines
                     plans inclinés, disposés suivant les lignes de plus   métalliques dé Hongrie. On comprend, d’ailleurs,
                     grande pente de la couche, relient entre eux les dif­  qu’en présence des masses de sel gemme pur que
                     férents étages; les chantiers d’abatage s’étendent   l’on rencontre à Wieliska, et qui suffiront encore
                     en direction de part et d’autre de ces plans. Les   longtemps aux besoins de la consommation, on ne
                     couches n’ont généralement que de 1 à 2 mètres de   se soit préoccupé ni d’exploiter les argiles salifères
                     puissance, et elles sont alors abattues en une seule   au milieu desquelles se trouve le sel, ni d’installer
                      fois; si la puissance dépasse 2 mètres, elles le sont   une usine d’évaporation pour extraire le sel des
                     en deux tranches, que l’on enlève successivement,   eaux d’épuisement. Grâce au monopole de la vente
                      en commençant par la tranche supérieure.  du sel que l’Etat se réserve, l’impôt qui pèse sur la
                       « On se dispense de remblayer, et il n’est pas besoin   consommation du sel en Autriche est tellement élevé
                      de boisage. Les vastes chambres, cubant plusieurs   que le prix de revient et les économies à réaliser sur
                     milliers de mètres cubes, pratiquées dans les lentil­  son chiffre disparaissent devant l’élévation du prix
                     les de Grünsalz, peuvent être, en général, sans dan­  de vente. Le prix de revient d’une tonne de sel est, à
                     ger, abandonnées à elles-mêmes; seulement, pour   Wieliska, de 9 fr. 15; le prix de vente s’élève à 183 fr.
                     soutenir les points les plus faibles, on élève jusqu’au   « 2° Bochnia. — Le bassin tertiaire au milieu du­
                      sommet de la voûte, soit de véritables charpentes   quel émergent les amas salins de Wieliska s’étend, de
                      de dimensions grandioses, soit d’immenses bûchers   l’ouest à l’est, au pied des Karpathes, entre leurs
                      formés de rondins, longs de plusieurs mètres, et d’un   premiers escarpements et la Vistule. En suivant ce
                      fort équarrissage, entassés souvent jusqu’à plus de   bassin vers l’est, on rencontre, à 32 kilomètres en­
                      80 mètres de hauteur. 11 en est de même des chan­  viron de Wieliska, la grande exploitation saline de
                      tiers d’abatage dans les couches. On les abandonne   Bochnia. Aucun sondage n’a été entrepris entre Wie­
                      à eux-mêmes sans boisages ni remblais. Aux points   liska et Bochnia; on ne possède donc aucune don­
                      faibles, le toit est soutenu par des bûchers formés de   née sur la question de la continuité possible de ces
                      rondins entassés sur toute la hauteur du front de   deux formations.
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