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INDUSTRIE DU SEL.                                547

          grand nombre de personnes à descendre, on fait   d’une façon splendide. Des glaces, des lus­
          plusieurs paquets les uns au-de.sns des autres. Les   tres, des drapeaux, ornaient la vaste salle
          chevaux marchent, et en très peu d'instants on
          arrive au bas du puits, où l’on est reçu par les   qui sert aux réceptions solennelles. Dans
          mineurs (1). »                            cette vaste pièce, des colonnes de sel sup­
                                                    portent une estrade où on logeait un or­
            Au premier étage de la mine on admire
                                                    chestre, destiné à répandre des flots d’har­
          la grandeur et la propreté des galeries et des
                                                    monie sous ces voûtes sonores.
          voûtes. Dans ces galeries on trouve des cha­
                                                      Les accidents sont rares dans les mines
          pelles et des autels taillés dans le sel, et
                                                    de Wieliska, grâce aux précautions que l’on
          ornés d’un crucifix ou de quelque image de
                                                    a prises pour les prévenir.
          saint, devant lequel brûle continuellement
                                                      D’espace en espace, on laisse de gros pi­
          une lampe. La chapelle de Saint-Antoine a
                                                    liers de sel, pour soutcnirlc poids des terres :
          30 pieds de hauteur. Certaines chambres sont
                                                    en 1745 beaucoup de ces piliers s’écroulè­
          aussi vastes qu’une grande église. Quelques-
                                                    rent, et il y eut un effondrement considé­
          unes servent de magasins pour les tonneaux
                                                    rable. Beaucoup d’échafaudages sont en
          pleins de sel, d’autres pour le fourrage; dans
                                                    bois; en 1644 et 1696, le feu prit à ces
          d’autres, on loge des chevaux. Dans quelques
                                                    échafaudages, et il fallut beaucoup de temps
          parties où l’eau a pénétré, le pavé et les pa­
                                                    pour arrêter l’incendie.
          rois sont couverts de cristaux de sel entassés
                                                      Un autre incendie, qui avait précédé celui
          les uns sur les autres par milliers, dont plu­
                                                    dont nous venons de parler, fut signalé par
          sieurs pèsent 500 grammes et plus, et qui
                                                    un trait de dévouement remarquable. C’était
          produisent des effets lumineux très-brillants
                                                    en 1510, le feu avait été mis aux échafau­
          quand on en approche des flambeaux.
                                                    dages par la méchanceté d’un ouvrier. Les
            Dans la chapelle de Sainte-Cunégonde, on
                                                    hommes et les chevaux qui se trouvaient
          voit la statue en sel du roi Auguste 111.
                                                    dans la mine, avaient péri, étouffés par la
          Ici, ce sont des terrasses taillées au bord   fumée, et le feu gagnait les galeries. Aucun
          des excavations ou des portes figurant l’en­
                                                    des ouvriers de service n’ayant osé descen­
          trée d’un château fort, un obélisque rappe­
                                                    dre, le chef des travaux, nommé Cochileski,
          lant la visite de l’empereur François, toutes   se précipite dans le goufre. Mais bientôt il
          construites régulièrement avec des blocs de
                                                    tombe sans connaissance, et il aurait péri,
          sel. Ailleurs, ce sont des inscriptions qui   si son vieil ami, Séverin Bclmann, directeur
          rappellent la présence des souverains; des   des mines, âgé de 70 ans, ne se fût, à son
          radeaux ornés sur lesquels ils ont parcouru   tour, élancé dans la fournaise, et ne l’eût
          les amas d'eau ou lacs de la mine ; des pein­  rappelé à la vie. Les efforts réunis de ces deux
          tures muettes, dédiées par la vénération   hommes arrêtèrent le progrès des flammes.
          des ouvriers, aux patrons des travaux.      Dans notre siècle, en 1858, l’eau envahit
            On rencontre à chaque pas des traces des   une partie des galeries. Il fallut de longs et
          magnifiques illuminations qui ont eu lieu à   pénibles travaux pour murer la partie oc­
          diverses époques, au milieu de ces profon­
                                                    cupée par les eaux et la séparer du reste do
          deurs, à l’occasion de visites de souverains   l’exploitation, mais enfin on y parvint.
          ou de grands personnages. Quand un
                                                      On peut estimer le produit annuel du
          prince allemand, un électeur, un roi de Po­  sel des mines de Wieliska cl de Bochnia, à
          logne, venait visiter les mines, les galeries   environ 100 millions de kilogrammes, dont
          étaient décorées avec richesse et illuminées
                                                    les frais d’exploitation, à un demi-florin de
           (1) Vcgoge en Hongrie, in-4°, Paris, 1821.   Vienne par 50 kilogrammes, s’élèvent à un
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