Page 548 - Les merveilles de l'industrie T1
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su                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     troupes au secours des Polonais, à la con­  d’escaliers, pour la descente des mineurs, et
                     dition qu’on lui payerait une indemnité.   deux autres servent à l’extraction des blocs
                     Mais les finances polonaises étant épuisées,   de sel au moyen d’un manège servi par des
                     le tribut ne put être versé, et l’empereur   chevaux. Les niveaux des galeries sont au
                     Léopold s’empara, à titre de garantie, des   nombre de cinq et les étages superposés sont
                     mines de Wieliska. L’Autriche conserva ce   supportés par des piliers et des galeries. Les
                     gage jusqu’au siège de Vienne par les Turcs,   chambres pour l’extraction des blocs avaient
                     en 1683. Pour prix du secours qu’on lui de­  autrefois jusqu’à 50 mètres de hauteur et
                     mandait, le roi de Pologne Sobieski de­   même plus ; mais on leur donne aujourd’hui
                     manda à l’Autriche la restitution des-mines   des dimensions beaucoup moindres.
                     de sel. Le contrat fut loyalement exécuté et   On entre dans la mine par un puits dans
                     l’Autriche échappa à l’attaque de ses voisins.  lequel Auguste III, roi de Pologne, fit cons­
                       Cela n’empêcha pas, quatre-vingt-neuf   truire un magnifique escalier tournant, com­
                     ans plus tard, c’est-à-dire en 1772, l’Au­  posé de 476 gradins en bois, enclavés dans
                     triche, ingrate envers le pays qui lui avait   les parois de briques et de pierres de taille.
                     fourni un si puissant secours, de prendre    Le voyageur s’égarerait infailliblement
                     part au démembrement de la Pologne.       s’il pénétrait sans guide dans cet enchevê­
                     L’Autriche reçut en partage les mines de   trement de grottes, de passages et de ma­
                     Wieliska.                                 gasins. On a calculé que, pour tout voir et
                       De 1809 à 1825, l’Autriche fut forcée,   tout visiter dans ce sombre séjour, il fau­
                     par le traité de Schœnbrunn, de céder la   drait y passer un mois, en marchant huit
                     moitié des revenus de ces salines au grand-   heures par jour.
                     duché de Varsovie; mais elle en reprit l’en­  Au premier étage, on trouve une chapelle
                     tière possession par le traité de Vienne, et   creusée dans la mine, et qui ne se compose
                     elle les possède encore aujourd’hui.      que de sel. L’autel, les statues, les colonnes,
                                                               la chaire, les ornements, tout est en sel.
                       La hauteur considérable des anciennes   On rencontre au second étage, un lac de
                     chambres des mines de Wieliska a donné     170 mètres de long, et profond d’une
                     beau jeu à la fantaisie artistique des anciens   douzaine de mètres, formé par les infiltra­
                     directeurs de l’exploitation. Ces mines sont   tions de l’eau dans l’épaisseur de la saline.
                     aujourd’hui une longue succession de sou­  Le visiteur, quand il le désire, peut monter
                     terrains immenses, et de labyrinthes infinis,   dans une barque et parcourir les rives de ce
                     une véritable ville souterraine, avec ses rues,   lac souterrain. La lueur des torches perçant
                     ses places publiques, ses cabanes pour les   à peine l’épaisseur des ténèbres, la barque
                     familles d’ouvriers. Beaucoup de galeries   qui glisse en silence sur les eaux immobiles,
                     sont plus hautes et plus larges que nos   les coups de pioche qui retentissent sourde­
                     églises. Quand la lumière des torches se   ment aux alentours, les explosions de la
                     reflète sur les murs, composés de sel, tantôt   poudre qui se font entendre par intervalles
                     d’une éblouissante blancheur, tantôt d’une   et qui font éclater des quartiers de sel, frap­
                     belle couleur rose, elle produit des effets   pent l’imagination des impressions les plus
                     magiques. On se croirait dans un des palais   étranges.
                     enchantés des Mille et une Nuits.            Bien que les rayons du soleil ne pénè­
                       Onze puits ont été creusés dans ce terrain   trent jamais dans ces carrières, leur tempé­
                     jusqu’à ce jour. Plusieurs atteignent la pro­  rature est douce; un air frais et tiède y cir­
                     fondeur de 230 mètres. Deux sont pourvus   cule sans cesse. Le séjour des mines n’altère
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