Page 499 - Les merveilles de l'industrie T1

LES SOUDES ET LES POTASSES. 493

fusée par le commerce, parce qu’elle exha­ cali reperdrait une partie du gaz acide car­
lait une odeur de souffre. C’est Darcet qui bonique qu’il a emprunté à la craie.
perfectionna le four de Nicolas Leblanc, en C’est lorsqu’on arrive au dernier terme de
lui donnant une forme elliptique allongée, l’opération, qu’il est important de bien sur­
la seule qui permette de distribuer la cha­ veiller le feu. Trop de chaleur ferait fritter
leur d’une manière uniforme, et de produire la craie par l’alcali ; trop peu de feu laisse­
la décomposition complète du sulfate de rait durcir la matière, et mettrait presque
soude. dans l’impossibilité de la retirer du four.
C’est là, d’ailleurs, la seule modification Pour retirer la soude, on emploie des ra­
sérieuse qui ait été apportée au procédé de tissoires qui l’entraînent vers les portes du
Nicolas Leblanc. four, et la font tomber sur une caisse carrée,
Dans un four elliptique construit en bri­ en forte tôle, placée sur une plaque de
ques on introduit un mélange de sulfate fonte.
de soude sec, une même quantité de craie Au moment où on la retire, la soude se
desséchée, avec environ la moitié de char­ présente sous la forme d’une pâte molle,
bon de terre réduit en escarbilles et en terreuse et embrasée.
poussier. On chauffe le four, et lorsque les Lorsque la caisse est remplie de soude
matières commencent à entrer en fusion, brûlante, on la place sur des rails, et on la
on a soin de les mélanger, à l’aide de râ­ transporte sous des hangars, pour l’y laisser
bles et de ratissoires, afin que les parties refroidir. Elle durcit très-rapidement. Alors
liquéfiées absorbent celles qui sont encore on enlève un des côtés de la caisse, et au
pulvérulentes. Au bout de peu de temps, moyen d’un levier on fait tomber le bloc de
toute la masse est devenue pâteuse., et fond soude, qu’on brise en plusieurs morceaux,
presque en entier. Il se dégage des bulles quand il est refroidi.
de gaz, qui s’enflamment à la surface, c’est- Pendant que des ouvriers ont poussé les
à-dire au contact de l’air, en donnant l’ap­ caisses de soude sous les hangars, on a chargé
parence d’une sorte de feu d’artifice. Cette de nouveau le four, pour une nouvelle opéra­
flamme provient de la combustion du gaz tion, et le travail continue ainsi jour et nuit
oxyde de carbone qui s’est formé pendant sans interruption, avec de nouvelles équipes
la réaction. C’est le moment où il faut bras­ d’ouvriers qui se relayent.
ser avec le plus de force, pour consumer le On fait en 24 heures 6 opérations, qui
gaz oxyde de carbone et hâter le dégage­ donnent chacune de 1,300 à 1,600 kilogram­
ment de ce gaz. mes de soude brute, marquant 38 degrés
L’ouvrier brasse donc vigoureusement le alcalimétriques.
mélange jusqu’à cessation du dégagement La soude artificielle obtenue par le pro­
gazeux. Bientôt les jets de flamme disparais­ cédé de Leblanc, que nous venons de dé­
sent, et la pâte devient plus fluide. crire, ressemble entièrement à la soude vé­
C’est le moment de procéder à l’examen gétale brute: elle est d’un gris bleuâtre, et
de la consistance du produit. Pour cela, on forme ordinairement des niasses fondues et
plonge dans la masse un ringard. Si la croûte compactes. On préfère celle qui est un peu
que cette tige de fer rapporte, a, quand elle poreuse et peu agrégée, parce qu’on parvient
est refroidie, l’aspect d’un grain bien uni, plus facilement à la priver des sels solubles
on juge que l'opération tire à sa fin, et on qu’elle renferme.
retire du four le carbonate de soude formé,
car si on le laissait plus longtemps, l’al­ La figure 332 représente le four à soude