Page 475 - Les merveilles de l'industrie T1
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LES SOUDES ET LES POTASSES.                              471


          et la potasse. Cette analogie est telle que   fournit le carbonate de soude, ou soude na­
          pendant longtemps on confondit ces deux   turelle.
          espèces d’alcalis. Cette confusion dura jus­  On comprend, au point de vue chimique,
          qu’à l’année 1756. A cette époque, Duhamel   ce qui se passe pendant la combustion des
          publia dans les Mémoires de lAcadémie des   plantes qui contiennent de la soude. Cet al­
          sciences de Paris, une Dissertation sur le sel  cali se trouve, dans le tissu végétal, à l’état
          commun où l’on trouve posée, pour la pre­  d’acétate, d’oxalate, de tartrate, etc. La cha­
          mière fois, la distinction entre la soude et la   leur décompose ces sels, comme elle dé­
          potasse. Duhamel prouve, dans ce mémoire,   compose tout ce qui est de nature organique.
          que la base du sel marin est la soude, et que   L’acide carbonique est le produit princi­
          cette base diffère de la potasse.         pal de cette décomposition ; cet acide carbo­
            La confusion qui a régné si longtemps   nique se combine avec la soude, devenue
          entre la soude et la potasse est, du reste, fa­  libre par la destruction des acides orga­
          cile à expliquer. La soude et la potasse sont   niques, et ainsi se forme le carbonate de
          également solubles dans l’eau ; elles ont   soude.
          toutes les deux une saveur âcre et caustique ;   Les cendres des plantes marines con­
          l’une et l’autre ont la propriété de former   tiennent donc, à l’état de carbonate, toute la
          avec la silice des verres fusibles, de se   soude qui existait dans ces plantes, et pour
          combiner aux corps gras et de former avec   retirer ce sel des cendres dans lesquelles il
          ces corps gras des savons solubles dans l’eau.  existe mêlé à d’autres substances insolubles
            Ce qui distingue la soude de la potasse,   dans l’eau, il suffit, comme nous venons de
          c'est que le premier de ces alcalis, quand il   le dire, de traiter ces cendres par l’eau qui
          est à l’état caustique ou à l’état de carbo­  dissout le carbonate de soude et d’évaporer
          nate, étant exposé à l’air, se dessèche et   cette dissolution.
          devient efflorescent, tandis que la potasse   Quant à la pratique de cette opération,
          attire l’humidité et se résout en liquide.   voici comment on y procède sur les bords de
         La soude, par sa combinaison avec les acides   la Méditerranée.
          sulfurique, azotique ou chlorhydrique,      Les plantes marines, c’est-à-dire la salsola
          forme des sels hygrométriques, d’une sa­  et la salicornia, après avoir été recueillies,
          veur salée. La potasse, au contraire, combi­  sont d’abord étalées sur le sol, jusqu’à leur
          née avec les mêmes acides, forme des sels   dessiccation. On les lie ensuite en gerbes,
          très-secs, ayant une saveur amère.        et lorsqu’on en a réuni une quantité suffi­
            La soude, comme nous l’avons vu dans la   sante, on commence l’incinération. On a
         Notice précédente, donne des savons durs ;   creusé des trous circulaires d’environ 1 mè­
         la potasse ést la base des savons mous.    tre 25 de diamètre et de 1 mètre 25 de pro­
                                                    fondeur. A quelques centimètres du fond,
            Passons aux moyens qui servent à ex­    on a placé une grille en fer, à travers les
         traire la soude des plantes marines. Ces   mailles de laquelle les cendres tomberont
          moyens sont fort simples, presque primi­  dans le fond du trou. On allume une gerbe
          tifs, et les mêmes d’ailleurs dans tous les   bien sèche, et à mesure qu’elle brûle on jette
          pays. Tout se réduit à brûler ces plantes,   successivement sur cette première botte une
          a recueillir les cendres, qui se composent de   douzaine d’autres gerbes, en ayant soin de
          carbonate de soude mêlé à d’autres sels   donner de l’air à l’aide d’un ringard ou
          étrangers, et à lessiver ces cendres avec   barre de fer, pour faciliter la combustion.
          de l’eau. La dissolution étant évaporée à sec,   L’intensité de la chaleur est telle qu’elle
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