Page 37 - Decrets mars
P. 37
- 35 -
Mm• Mudry repas~e le seuil de l'église et accourt auprès de sa
sœur, M • de Pignier, au moment ou celle-ci refltse d'obtem-
11
pérer aux sommations des agents: « Si c'est au nom de la
liberlé que vous agissez ainsi, leur dit M"• de Pignier, j'ai le
droit de rester et ,ie reste ; je vous plains, ajoute-t-elle, en
voyant l'air peiné des gendarmes, mais pour vous, lieutenant,
rien ne vous obligeait d'obéir, rien ne vous excusera! »
Mm• Mudry joignant ses reproches à ceux de Mil• de Pignier,
s'écrie : « Monsieur, j'ai quatre fils, j'aimerais mieux mourir
que de voir l'un d'eux commettre votre action. » Toutes les
deux sont menacées d'être conduites en prison: « Tant mieux,
répond Mm• Mudry, c'est aujourd'hui la place des honnêtes
gens, traînez-nous en prison, ce sera notre gloire! » Immobile,
calme, indignée, la veuve de M. l'avocat Dessaix, ancien prési-
dent du conseil général, attend son tour et sort la dernière de
la chapelle avec Mil• de Pignier.
Ce drame sacrilège, palpitant d'horreur et de dégoùt, est
enfin accompli. Monsieur le lieutenant de gendarmerie et l'un
de ses hommes, un seul, malheureusement savoyard, ont
dr.ployé dans cette lutte une force d'expressions et de
poignets qui les ont signalés particulièrement à l'attention de
ces dames. Quant à M. Carion il s'était dérobé prestement anx
cris et aux apostrophes.
Les larmes de cette population chassée du temple de Dieu
ont louché jusqu'aux fonds des cœurs les soldats de garde;
plusieurs s'essuient les yeux ; l'un d'eux dit à l'une de ces
saintes femmes : « Mademoiselle, je vous en prie, demandez
pardon à Dieu pour nous... Quelle affreuse corvée!. .. »
Dans la petite cour, au pied de la croix, se tiennent encore
quelques femmes, il faut de nom·ean les en arracher. On les
refoule jusqu'au bord du chemin.
Cependant, les religieux sont dans leurs cellules en compa-
gnie de leurs amis. Ils attendent le moment de leur expulsion :
quelques-uns peuvent suivre de leur fenêtre la scène dont
nous venons de parler.