Page 35 - Decrets mars
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met, afin que les personnes enfermées dans la chapelle soient
expulsées avant les Pères et puissent les acclamer à leur sortie.
LA CHAPELL~
Ici se produit une scène indescriptible. Ne sachant pas que
l'église est pleine, M. Carion et le lieutenant de gendarmerie
entrent sans se découvrir dans le chœur; ils reculent d'éton-
nement. A leur vue, un frisson d'horreur court dans toute
l'assistance. Ces dames qui, l'oreille collée à la grande porte,
avaient suivi, anxieuses et terrifiées, la scène du dehors et le
vacarme des portes qui éclataient, s'étaient remises à prier
quand le silence s'était rétabli. Au moment où les deux
émissaires du gouvernement envahissent le chœur, elles se
lèvent, déterminées à leur résister à tout prix. Une d'elle s'écrie:
Que personne ne bouge! Toutes répondent : Jamais ! et res-
serrent leurs rangs, en répétant à plusieurs reprises : A bas
les casquettes !
Mais l'hésitation des fonctionnaires ne dure qu'une seconde.
Le lieutenant de gendarmerie réclame le silence, il n'est
pas écouté. Il se fâche, il crie, la récitation du chapelet reprend
plus fort. Il somme les fidèles de se taire, on couvre sa voix.
I<'urieux, gesticulant, il envoie deux gendarmes enlever les
barres de la grande porte et il donne à tous les autres l'ordre
de « jeter ces femmes dehors >>. Toutes alors debout, fré-
missantes, pleurant: « Vive la liberté! Vive Jésus-Christ! » -
Sortez, mesdames ! au nom de la loi, sortez! Nous ne sortirons
pas. A bas les lâches! faites donc avancer les soldats contre
nous. » L'officier ne sachant que faire, perdant réellement la
tête, réclame en effet l'appui de la troupe. C'est à ce moment
que le sous-préfet mande quérir au poste un nouveau déta-
chement de soldats qui, en arrivant au pas gymnastique,
sèment J'épouvante en chemin.
Le tumulte est au comble dans le saint lieu. Les personnes
appartenant aux familles les plus considérées et les plus
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