Page 40 - Bouvet Jacques
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pont, où l'on ne trouva plus qu'un cadavre. Le
meurtre de Blanche fut un crime ; mais le résul-
tat fut salutaire; personne ne l'approuva, mais
les honnêtes gens en bénéficièrent.
Quant à M. Bouvet, il plaignit cette pauvre
âme, pria pour elle et n'eut jamais le moindre
fiel contre sa mémoire, comme il n'avait jamais eu
la moindre haine contre sa personne.
Qui croirait que, avec une existence aussi ac-
cidentée, l'Oncle Jacques pût écrire et tenir des
registres? Eh bien! c'est ce qu'il pratiqua avec
une fidélité merveilleuse, non sur de volumineux
recueils, mais dans de petits cahiers très nette-
ment tenus, avec une main aussi calme et aussi
sûre que s'il eût écrit dans la paix la plus profonde.
Nous n'avons vu que l'état, par lui dressé, des
naissances, mariages et premières communions à
l'usage de Reyvroz ; il en avait fait autant pour
d'autres paroisses qu'il avait desservies. Il est
impossible. de ne pas éprouver un sentiment d'ad-
miration, quand on voit cet homme de Dieu
écrire avec une pareille assurance, à quelques pas
seulement de la mort, ces actes dans lesquels il
enregistrait les éléments d'une nouvelle société
chrétienne à reconstituer, après l'effroyable tour-
mente qui venait de tout engloutir. L'Oncle
Jacques ne se doutait pas qu'en se livrant, à deux
doigts de la mort, à ces choses, si simples en appa-
l
rence, il pratiquait la plus sage prévoyance et une
sorte d'héroïsme. Sa confiance en Dieu et son
sang-froid l'avaient familiarisé avec les dangers de
son apostolat. Aussi, sans jamais commettre d'im-