Page 39 - Bouvet Jacques
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tours; sur sa première demande, l'administra-
tion du district lui envoyait un détachement de
soldats ; il fit incarcérer le maire et la municipa-
lité de Reyvroz ; il avait présidé à la démolition
du clocher et organisé une farandole autour d'un
bûcher formé des autels et des confessionnaux
de son église, en proférant, dans son langage miel-
leux, les plus terribles menaces contre les calo-
tins réfractaires. Il épiait surtout l'Oncle Jacques,
qui passait assez souvent dans son voisinage.
Quand Blanche venait à l'apprendre après coup,
il maudissait la bonne occasion manquée et jurait
que le calotin fanatique ne lui échapperait pas
toujours. Toujours cependant, l'Oncle Jacques
lui échappa ; mais Blanche n'échappa pas tou-
jours à la justice divine ni à la vengeance de ses
ennemis privés.
Un jour, que ce terroriste se livrait dans une
auberge du Biot, à mille fanfaronnades menaçan-
tes, un groupe de buveurs l'observaient et se par-
laient bas. Un des buveurs se détache de sa so-
ciété, s'arme d'une barre de fer, s'embusque dans
un passage obscur de l'auberge par où Blanche
devait s'en aller, lui brise la nuque et s'évade
inaperçu. D'autres buveurs sortent après Blanche,
le trouvent gisant à terre et respirant encore ; ils
allèrent à la sourdine le jeter sous le pont du Biot.
En vain le chien de ce malheureux jetait auprès de
son maître des aboiements de détresse : c'était la
nuit tumultueuse d'une foire; bien des gens pas-
sèrent sans y prendre garde. Enfin, le fidèle ani-
mal redoublant ses appels, on descendit sous le