Page 37 - Bouvet Jacques
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sonnes affidées qui savaient où le trouver en cas
de besoin.
Un octogénaire de cette paroisse nous racon-
tait naguère que l'Oncle Jacques venait quelque-
fois de nuit frapper, contre la paroi de la maison,
un nombre déterminé de coups. C'était le signal;
d'autres fois, il se servait d'un petit sifflet, qu'il
appelait sifilet de voleur. On se levait à la hâte ;
on préparait tout pour la messe ; on allait mysté-
rieusement avertir les voisins ; on plaçait quelques
sentinelles pour conjurer tout danger de surprise.
Le prêtre ne perdait pas un instant ; il célébrait
dans ces nouvelles catacombes ; puis, s'il ne sur-
venait point d'alerte, il confessait, catéchisait, for-
tifiait ces bons fidèles dans l'attachement à leur
religion persécutée ; il acceptait quelques vivres
pour se restaurer, et, si la nuit était encore longue,
il partageait le lit d'un vieux et brave garçon de
la maison. Le matin venu, il laissait à ces bonnes
gens ses adieux jusqu'au revoir, avec le mot de
la consigne, et allait chercher ailleurs une nou- "
velle matière à son zèle. Telle était la vie aposto-
lique que menait l'Oncle Jacques, pendant cette
triste époque.
Pour se donner plus de moyens d'évasion et
courir moins de dangers, l'Oncle Jacques, aidé
d'un autre prêtre et de quelques fidèles, se cons-
truisit un pont sur la Dranse, entre Reyvroz et
Féternes, en aval de celui de Bioge, qui était sou-
vent gardé. Ce pont, dont la nature a fait les prin-
cipaux frais, s'appelle le Pien. D'énormes blocs
de pierre, détachés des rochers de Féterne5 qui