Page 37 - Bouvet Jacques
P. 37

-   26  -

                  sonnes  affidées  qui  savaient  où  le  trouver en  cas
                  de  besoin.
                    Un  octogénaire  de  cette  paroisse  nous  racon-
                  tait naguère que  l'Oncle  Jacques  venait quelque-
                  fois  de nuit frapper,  contre la  paroi de la  maison,
                  un  nombre déterminé de  coups.  C'était le  signal;
                  d'autres  fois,  il se  servait  d'un  petit sifflet,  qu'il
                  appelait sifilet  de  voleur.  On  se  levait  à  la  hâte ;
                  on préparait tout pour la messe ; on  allait mysté-
                  rieusement avertir les voisins ; on plaçait quelques
                  sentinelles  pour conjurer tout danger de  surprise.
                  Le  prêtre  ne  perdait  pas  un  instant ;  il  célébrait
                  dans  ces  nouvelles  catacombes ;  puis,  s'il  ne  sur-
                  venait point d'alerte, il confessait, catéchisait, for-
                  tifiait  ces  bons  fidèles  dans  l'attachement  à  leur
                  religion  persécutée ;  il  acceptait  quelques  vivres
                  pour se restaurer, et, si la nuit était encore longue,
                  il  partageait le  lit d'un vieux  et brave garçon  de
                  la  maison.  Le matin venu,  il laissait à ces  bonnes
                  gens  ses  adieux  jusqu'au  revoir,  avec  le  mot  de
                  la  consigne,  et  allait  chercher  ailleurs  une  nou-  "
                  velle matière à son zèle.  Telle était la vie aposto-
                  lique  que  menait  l'Oncle  Jacques,  pendant  cette
                  triste  époque.
                     Pour  se  donner  plus  de  moyens  d'évasion  et
                  courir  moins  de  dangers,  l'Oncle  Jacques,  aidé
                  d'un autre  prêtre et de  quelques  fidèles,  se  cons-
                  truisit  un  pont  sur  la  Dranse,  entre  Reyvroz  et
                   Féternes,  en  aval de  celui  de Bioge, qui était sou-
                   vent gardé. Ce  pont, dont la nature a fait les prin-
                   cipaux  frais,  s'appelle  le  Pien.  D'énormes  blocs
                   de  pierre,  détachés  des  rochers  de  Féterne5  qui
   32   33   34   35   36   37   38   39   40   41   42