Page 79 - Album_des_jeunes_1960
P. 79
LA MAISON DES ENFANTS PERDUS 77
— Je veux bien vous faire un don, monsieur l’Abbé,
PRIÈRE DE SAINT FRANÇOIS lui dit un jour un commerçant. Mais prendre un de ces
petits vauriens dans mon magasin, jamais de la vie !
En se dévouant corps et âme pour sauver ses
Sur l’insistance du prêtre, le commerçant consentit
scugnizzi, Don Vesuvio a mis en pratique
à engager, comme coursier, un garçon nommé Mario.
l’amour du prochain et le don de soi. C’est cet
Un jour, Mario vient trouver l’abbé :
idéal tout franciscain qu’exalte la prière ci-
— Est-ce que je pourrais pas voler un tout petit rien
ci-dessous, écrite il y a sept siècles par le grand
dans le magasin ? Personne ne s’en apercevra.
saint d’Assise.
Don Vesuvio regarde le garçon dans les yeux.
Seigneur, faites de moi l’instrument de votre — Mario, lui dit-il, si tu voles, je serai obliger de te
paix, afin que j’amène l’amour là où règne la dénoncer. Ce sera la fin de la casa, et les autres
haine, l’esprit de pardon là où règne l’offense, n’auront plus de travail. C’est ça que tu veux ?
l’harmonie là où règne la discorde, la vérité là — Oh ! non, bien sûr ! murmura Mario. C’est
où règne l’erreur, la foi là où règne le doute, promis, je ne volerai pas.
l’espoir là où règne le désespoir, votre lumière Mario a tenu parole, et il a aujourd’hui une bonne
là où régnent les ténèbres, la joie là où règne place, dans la même maison.
l’affliction. Don Vesuvio est maintenant aidé dans sa tâche par
Accordez-moi, Seigneur, la grâce de chercher un autre prêtre, l’abbé Spada. Grâce à eux, après leur
le réconfort pour les autres plutôt que pour passage à la casa, plusieurs centaines de scugnizzi sont
moi, de comprendre plutôt que d’être compris, devenus des jeunes gens honnêtes.
d’aimer plutôt que d’être aimé car c’est en don Jusqu’à l’âge de quatorze ans, les garçons sont tenus
nant que l’on reçoit, en s’oubliant que l’on d’aller à l’école. Ensuite, l’abbé Borelli leur procure du
trouve, en pardonnant que l’on obtient le par travail dans une usine, un magasin ou un hôtel. Ses
don et en mourant que l’on s’éveille à la Vie protégés sont maintenant très appréciés partout.
éternelle. A la casa, une seule règle inflexible : il faut être
rentré à neuf heures du soir.
Et peu à peu les garçons se transformèrent. Ils se L’abbé Borelli ne pense pas qu’il soit nécessaire de
mirent à se laver le matin ; les plus grands à se raser. leur demander davantage. Par eux-mêmes, ces garçons
Chose plus importante encore, ils commençaient à rire. apprennent à préférer les chaussures aux pieds nus, une
chemise propre à une sale, une nourriture convenable
Au début, l’abbé Borelli eut le plus grand mal à
à des rogatons. Ils peuvent traîner dans les rues, s’ils
procurer du travail aux grands. Les gens n’avaient le désirent, mais la plupart n’ont qu’une hâte, c’est de
aucune confiance en ses protégés. rentrer à la casa pour s’y retrouver entre amis.
MhFÂ. A