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La multiplication des cochons d'Inde





                                                       DES COCHONS,






                                                   EST DES COCHONS





                                                                 par Ellis Parker Butler


                                     e chef de gare brandissait le poing. M. Grandmaison tremblait de rage.
                                L     Entre eux, sur le comptoir, il y avait une caisse à savon dans laquelle
                                      deux cochons d’Inde tachetés grignotaient avidement de la laitue.
                                    — Faites comme vous voudrez ! répétait le chef de gare. Payez et empor-
                                tez-les, ou ne payez pas et laissez-les. Le règlement, c’est le règlement, monsieur
                                Grandmaison, et ce n’est pas moi qui l’enfreindrai, aussi vrai que je m’appelle
                                Lambin et que c’est moi le chef de gare.
                                     — Ne dites donc pas de bêtises ! criait M. Grandmaison. Vous ne voyez
                                pas ce qui est inscrit là... sur vos tarifs ? « Transport d’animaux d’appartement :
                                200 francs par tête. » Animaux d’ap-par-te-ment, 200 francs par tête. Deux fois
                                deux, quatre. Voilà 400 francs.
                                     — Et moi je n’en veux pas de vos 400 francs. Ces animaux-là vont peut-
                                être dans les appartements, mais ce sont des cochons, il n’y a pas à sortir de là
                                et le règlement dit : « Cochons, 250 francs par tête. »
                                     — Pour des cochons ordinaires, oui ! Mais pas pour des cochons d’Inde !
                                     — Des cochons, c’est des cochons, répétait Lambin. Qu’ils soient des Indes
                                ou d’ailleurs, ça ne change rien au prix du transport.
                                     — C’est inimaginable ! criait M. Grandmaison. Eh bien ! Vous allez les
                                garder, ces cochons, jusqu’à ce que vous soyez prêt à accepter 200 francs pour
                                chacun d’eux. Mais si jamais il arrive malheur à un seul poil de leur tête, je vous
                                traîne devant les tribunaux.
               Là-dessus M. Grandmaison rentra chez lui dans une colère noire. Son fils Jean attendait avec
          impatience l’arrivée des cochons d’Inde, mais quand il vit son père, il comprit que mieux valait n’en
           pas parler. M. Grandmaison s’assit et se mit à écrire une lettre furibonde à la compagnie des chemins
           de fer.
               Au siège de la compagnie, M. Moreau bâillait, les pieds sur la table. Il lut attentivement la lettre
           de M. Grandmaison, puis il écrivit au chef de gare : « Expliquez-moi pourquoi
           vous n’acceptez pas le tarif de 200 francs. » Et il ajouta : « Prière d’indiquer
           l’état actuel des animaux. »
               Quand Lambin reçut cette note, il se gratta la tête, puis rédigea cette
           réponse :
                « J’ai dit que ces cochons sont des cochons parce que c’est des cochons.
           Quant à leur santé, elle est bonne. J’espère qu’il en est de même pour vous.
                » P.-S.. Ils sont maintenant huit, tous gros mangeurs. Même que je leur ai
           acheté pour 400 francs de choux. »
                Quand M. Moreau reçut cette lettre, il prit la chose au sérieux.
                                   Adapté du livre « Pigs is Pigs ». © 1906, 193k, Doubleday, New York
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