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CHASSEUR DE FAUVES 43
due en partie au surpeuplement des troupeaux, d’autres lions l’attendent. Bien entendu, quand
s’abattit sur la région et les bêtes moururent par ils peuvent voir leur proie, ils la suivent à la piste
milliers. et bondissent dessins comme font tous les félins.
Les lions se firent bien vite mangeurs de Les premiers Masaï que j’ai vus se sont bien
cadavres et, les plaines étant jonchées de car amusés quand je leur ai dit que je venais tuer
casses de bestiaux, ces gros félins se multiplièrent. des lions. Ils ont déclaré que j’aurais de la peine
Des lionceaux, qui seraient morts sans cette abon à y arriver avec un fusil ; la lance, à leur avis,
dance de nourriture, grandirent et, en peu de était une arme beaucoup plus efficace.
temps, le pays des Masaï fut infesté de lions. Pour me mettre à l’épreuve, ils m’apprirent que
Quand ils ne trouvèrent plus de vaches mortes, deux fauves se trouvaient à proximité du camp et
les fauves s’attaquèrent au bétail vivant. Armés ils me conduisirent dans le fond desséché d’un
de lances et de boucliers, les Masaï firent des sor ravin au sol sablonneux sur lequel on distinguait
ties pour protéger les précieux survivants de leurs nettement les traces des fauves. Ils se mirent à les
troupeaux, mais pour chaque lion tué on comptait suivre sans peine et, après un tournant, nous
un ou deux jeunes moran écharpés. trouvâmes deux lions étendus devant nous comme
Une blessure faite par un lion provoque de gros chats. Ils se levèrent tous les deux et se
presque toujours un empoisonnement du sang. mirent à nous regarder d’un air menaçant.
C’est pourquoi bien souvent une simple égrati- Les deux moran se tenaient debout, la lance
gnure entraîne la mort. Il mourut tant de guer haute, attendant la charge de l’ennemi. C’était
riers après ces chasses au lion que les anciens de beau à voir. Rapidement, j’épaulai, visai la poi
la tribu demandèrent l’aide du gouvernement. trine du plus grand félin et tirai. Il recula quand
Le capitaine Ritchie, directeur du Service des la balle le frappa, grogna et tomba lourdement
Chasses au Kenya, décida que jetais l’homme sur le flanc. Son compagnon bondit promptement
indiqué pour cette tâche et me donna trois mois dans un épais fourré, sur la rive gauche du ravin.
pour tuer les fauves indésirables. J étais autorisé Nous le suivîmes, lui lançant des pierres pour
à garder les peaux en paiement. le faire sortir. Soudain, les buissons s’agitèrent
Pour chasser le lion, il faut comprendre ce qui violemment, le lion en jaillit et se dirigea sur moi.
se passe dans sa tête, et ses réactions. L’homme Ramassé sur lui-même, il était roulé en boule,
comprend facilement le chien qui pense à peu les oreilles couchées, le dos arqué. Il volait litté
près de la même façon que lui. Mais le lion est ralement.
un félin et, comme le chat, c’est une bête fan Il y a dans la nature peu de spectacles aussi
tasque qui a des lubies. Le temps a sur lui une impressionnants que celui d’un lion qui charge,
grande influence : la pluie le rend nerveux, arrivant sur vous à plus de 60 km à
rapide et vif ; le temps très sec le rend paresseux l’heure. A une trentaine de mètres de la bête qui
et indifférent. On cite de nombreux cas d’hommes l’attaque, un homme ne peut pas se permettre
qui ont rencontré dans la brousse des lions qu’un de la manquer. Un lion adulte pèse dans les
seul coup de feu faisait fuir ; mais j’ai vu aussi 220 kg et cette masse en plein élan vous renverse
un lion foncer sur un camion et le renverser à aussi facilement que vous retournez un champi
moitié pour essayer d’atteindre les hommes qui s’y gnon du bout du pied.
trouvaient. Ces fauves chassent surtout la nuit, Je tirai et ma balle atteignit le fauve exacte
et plus elle est obscure, plus il y a de chance pour ment entre les deux yeux. Il tomba sans un tres
qu’ils sortent de leurs tanières. saillement. Les deux Masaï se mirent à danser
Ce sont des animaux assez sociables qui aiment de joie. Ils ne doutaient plus de l’efficacité des
à vivre et parfois à chasser en troupes. Les lions fusils.
qui chassent « parlent » entre eux, ils poussent La nouvelle de cet exploit et d’autres semblables
des grognements profonds qui font penser à la se répandit, et je fus bientôt assiégé par des mes
voix d’un ventriloque : il est presque impossible de sagers Masaï qui avaient parcouru des kilomètres
savoir d’où vient ce bruit. Il est très rare qu’ils pour me demander de venir tuer leurs lions. Cha
rugissent ; je n’ai entendu de véritables rugisse cun réclamait avec véhémence la priorité pour sa
ments qu’une ou deux fois dans ma vie. De nuit, propre région, et l’un d’eux me déclara qu’aux
ils pourchassent le gibier, l’affolant de leurs gro abords de son village les lions étaient plus nom
gnements et le rabattant vers des points où breux que les feuilles sur les arbres. Je pouvais