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              tirer. J’emportais un vieux fusil que mon père        Chasse au lion dans le Masaïland
              m’avait donné et chaque fois que nous passions
              près de ce qui ressemblait à un lion ou à un léo­   jnn u début de ma carrière, j’abattais les lions
              pard, je me penchais par la portière et je l’abat­  ætHJ pour avoir leur peau. Au bout de quelque
              tais. Puis, j’arrêtais le train, sautais sur la voie   temps, je devins ce qu’on appelle en Afrique « un
              avec un employé indigène et dépouillais la bête.   chasseur blanc », c’est-à-dire un chasseur et guide
              Le mécanicien était un chic type : quand il voyait   professionnel.
              du gibier il faisait siffler la locomotive.          Durant les vingt années suivantes, j’ai guidé
                Un beau jour, il lâche une bordée de coups de    des sportifs dans la jungle et contribué à enrayer
              sifflet. Je regarde par la fenêtre et j’aperçois une   la prolifération du gibier qui devenait une gêne
              troupe d’éléphants qui paissaient
              dans la brousse. Je n’ai encore jamais
              vu d’éléphants, mais j’empoigne mon
              fusil et bondis hors du train. Le
              mécanicien se précipite derrière moi :
                — Je voulais simplement que tu
              les voies ! crie-t-il. N’essaie pas de
              tirer dessus !
                Nous avançâmes à pas de loup vers
              le troupeau. J’avais assez de bon sens
              pour l’approcher contre le vent et les
              bêtes ne se doutaient pas de notre
              venue. Comme nous parvenions tout
              près, le troupeau se déplaça pour
              aller paître entre le train et nous. Le
              mécanicien me suppliait de ne pas
              tirer.
                — On va être pris dans leur
              débandade, partons d’ici ! implorait-il.
                Je n’allais quand même pas partir
              sans tirer un coup de fusil ! Je visai
              à l’épaule un mâle porteur d’une
              belle paire de défenses et appuyai sur
              la détente. L’instant d’après, les élé­
              phants couraient dans tous les sens, poussant des   et une menace pour les indigènes. C’est vers
              barrissements et des cris perçants. Le sol tremblait   1920, quand je débutais dans ces dernières fonc­
              sous nos pieds et certains des fuyards passèrent si   tions pour le Service de la Chasse du Kenya, que
              près de moi que j’aurais pu les toucher. La        j’ai vu pour la première fois une chasse Masaï
              poussière dissipée, je découvris que mon mâle      à la lance.
              n’était pas tombé.                                   Les Masaï sont une tribu de pâtres guerriers
                Malgré mon insistance, le mécanicien refusa de   qui occupent un haut plateau du Kenya. La lance
              m’aider à le poursuivre et nous regagnâmes le      est leur arme traditionnelle. Ils méprisent les arcs
              train.                                             et les flèches, qu’ils tiennent pour des armes de
                Mais mon coup avait porté mieux que je ne        lâches. On appelle les jeunes guerriers de la tribu
              le croyais. A notre passage, le lendemain, je vis   des moran. Pour s’amuser, les moran s’exercent à
              l’éléphant mort, allongé près de la voie. J’arrêtai   tuer des lions avec leurs lances..., exploit qui me
              le train et je pris les défenses du mâle. On m’en   semblait presque impossible.
              donna 37 livres sterling, plus que ce que je         Au temps jadis, les Masaï vivaient principale­
              gagnais en deux mois comme chef de train. Pour     ment de razzias faites dans les autres tribus.
              la première fois, je me rendais compte qu’un       Quand le gouvernement anglais y mit fin ils
              homme peut gagner sa vie en chassant... et la      furent obligés d’élever davantage de bétail pour
              gagner largement.                                  se nourrir. Mais la peste bovine, terrible maladie,
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