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42 CHASSEUR DE FAUVES
tirer. J’emportais un vieux fusil que mon père Chasse au lion dans le Masaïland
m’avait donné et chaque fois que nous passions
près de ce qui ressemblait à un lion ou à un léo jnn u début de ma carrière, j’abattais les lions
pard, je me penchais par la portière et je l’abat ætHJ pour avoir leur peau. Au bout de quelque
tais. Puis, j’arrêtais le train, sautais sur la voie temps, je devins ce qu’on appelle en Afrique « un
avec un employé indigène et dépouillais la bête. chasseur blanc », c’est-à-dire un chasseur et guide
Le mécanicien était un chic type : quand il voyait professionnel.
du gibier il faisait siffler la locomotive. Durant les vingt années suivantes, j’ai guidé
Un beau jour, il lâche une bordée de coups de des sportifs dans la jungle et contribué à enrayer
sifflet. Je regarde par la fenêtre et j’aperçois une la prolifération du gibier qui devenait une gêne
troupe d’éléphants qui paissaient
dans la brousse. Je n’ai encore jamais
vu d’éléphants, mais j’empoigne mon
fusil et bondis hors du train. Le
mécanicien se précipite derrière moi :
— Je voulais simplement que tu
les voies ! crie-t-il. N’essaie pas de
tirer dessus !
Nous avançâmes à pas de loup vers
le troupeau. J’avais assez de bon sens
pour l’approcher contre le vent et les
bêtes ne se doutaient pas de notre
venue. Comme nous parvenions tout
près, le troupeau se déplaça pour
aller paître entre le train et nous. Le
mécanicien me suppliait de ne pas
tirer.
— On va être pris dans leur
débandade, partons d’ici ! implorait-il.
Je n’allais quand même pas partir
sans tirer un coup de fusil ! Je visai
à l’épaule un mâle porteur d’une
belle paire de défenses et appuyai sur
la détente. L’instant d’après, les élé
phants couraient dans tous les sens, poussant des et une menace pour les indigènes. C’est vers
barrissements et des cris perçants. Le sol tremblait 1920, quand je débutais dans ces dernières fonc
sous nos pieds et certains des fuyards passèrent si tions pour le Service de la Chasse du Kenya, que
près de moi que j’aurais pu les toucher. La j’ai vu pour la première fois une chasse Masaï
poussière dissipée, je découvris que mon mâle à la lance.
n’était pas tombé. Les Masaï sont une tribu de pâtres guerriers
Malgré mon insistance, le mécanicien refusa de qui occupent un haut plateau du Kenya. La lance
m’aider à le poursuivre et nous regagnâmes le est leur arme traditionnelle. Ils méprisent les arcs
train. et les flèches, qu’ils tiennent pour des armes de
Mais mon coup avait porté mieux que je ne lâches. On appelle les jeunes guerriers de la tribu
le croyais. A notre passage, le lendemain, je vis des moran. Pour s’amuser, les moran s’exercent à
l’éléphant mort, allongé près de la voie. J’arrêtai tuer des lions avec leurs lances..., exploit qui me
le train et je pris les défenses du mâle. On m’en semblait presque impossible.
donna 37 livres sterling, plus que ce que je Au temps jadis, les Masaï vivaient principale
gagnais en deux mois comme chef de train. Pour ment de razzias faites dans les autres tribus.
la première fois, je me rendais compte qu’un Quand le gouvernement anglais y mit fin ils
homme peut gagner sa vie en chassant... et la furent obligés d’élever davantage de bétail pour
gagner largement. se nourrir. Mais la peste bovine, terrible maladie,