Page 43 - Album_des_jeunes_1960
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Les aventures passionnantes et véritables d’un homme qui
passa vingt-cinq ans en Afrique,.à l’affût du gros gibier.
ne légende familiale veut que notre nom nais dans des bazars indigènes où pendaient des
de « Hunter », qui signifie « chasseur » peaux de léopards à vendre, je regardais des sau
en anglais, soit dû à la prohession d’un vages à moitié nus arrivant de la jungle. Dans
très lointain aïeul, et il est certain que nous avons la baie, des boutres arabes mettaient à la voile
dans le sang l’amour de la chasse. Mais ce qui, pour traverser l’océan Indien en direction de
pour le reste de la famille, n’a jamais été qu’un Bombay.
simple sport est devenu pour moi une raison Le train pour Nairobi traversait de grandes
d’être. plaines découvertes parsemées de troupeaux de
Un jour — j’avais huit ans — mon père étant gibier sauvage : un rêve de chasseur qui se serait
sorti, je lui « empruntai » son fusil de chasse. Je fait réalité. La vue de ces étranges animaux, qui
faillis bien m’emporter le pied d’un coup de feu, levaient tranquillement la tête pour regarder pas
ce jour-là ! Marchant à l’affût d’une perdrix, dans ser le train, me rendait fou de joie.
mon excitation j’appuyai involontairement sur la A Nairobi, planté sur le quai, je me sentis très
gâchette. Papa fut très fâché en apprenant ce qui seul. Il était entendu que mon cousin viendrait
s’était passé, mais jamais il ne me défendit d’uti à ma rencontre, et j’avais hâte de le voir. J’aperçus
liser son fusil. Bientôt, je sus le manier correc alors, avançant à grands pas sur le quai, un véri
tement et m’en servir pour tuer des oies sauvages, table géant qui portait deux revolvers attachés à
près de chez nous, dans le Nord de l’Ecosse. sa ceinture, tel un cow-boy américain. Je le regar
Devenu plus grand, j’ai appris à braconner, dais, les yeux écarquillés, et il vint droit sur moi.
grâce aux leçons de quelques paysans, et passé — C’est toi, John Hunter ? me dit-il d’une
plus d’une nuit sombre à ramper dans les fourrés voix de stentor.
et à épier le bruit de pas des gardes-chasse. Ces — Oui, répondis-je, un peu à contre-cœur.
gardes portaient des fusils et n’hésitaient pas à — J’ suis ton cousin, fit-il rudement. Monte
s’en servir, la vie d’un faisan ou d’un lièvre ayant dans la bagnole.
plus de valeur à leurs yeux que celle d’un homme. Son ranch se trouvait à une trentaine de kilo
Cela ne faisait que rendre le sport encore plus mètres. J’y suis resté le plus longtemps possible,
passionnant et quand, des années plus tard, j’ai n’ayant aucune envie de rentrer la tête basse à la
commencé à chasser le gros gibier, l’entraînement maison, comme mon père l’avait prédit. Mais au
que j’avais suivi dans ma jeunesse pour arriver à bout de trois mois, je n’y tenais plus. La planta
dépister et à éviter les gardes me fut très utile. tion était dans un état lamentable et la brutalité
J’avais dix-huit ans quand mes parents déci de mon cousin écœurante ; il frappait ses employés
dèrent de m’envoyer auprès d’un cousin éloigné indigènes et les bourrait, de coups de pied, pour
qui possédait une ferme en pleine Afrique, au le plaisir apparemment. Un fermier sympathique
Kenya, près de Nairobi. me prêta un cheval et je retournai à Nairobi.
— Ce voyage va te former ou te briser, me Le peu d’argent que je possédais était déposé
déclara mon père. Tu ne veux pas mener notre dans une banque où j’allai retirer de quoi payer
vie monotone et tu as envie d’aventures. Eh bien ! ma traversée de retour. L’employé derrière son
mon garçon, la voilà, ton aventure ! En Afrique, guichet était écossais, comme moi, et nous décou
la vie va être dure, mais si tu reviens la tête basse, vrîmes que je connaissais très bien son frère.
tu pourras garder tes beaux discours pour toi. A Quand je lui racontai que, vaincu, j’étais sur le
ce moment-là il ne te restera plus qu’à t’assagir point de rentrer à la maison, il se récria :
et à prendre un métier honnête. — Un Ecossais ne se tient jamais pour battu,
Quelques semaines plus tard, je m’embarquais mon garçon ! J’ai un ami au chemin de fer qui
pour l’Afrique orientale et, après un long voyage, t’engagera comme chef de train. Cela te permettra
j’atteignais Monbassa. Pour un jeune Ecossais de tenir jusqu’à ce que tu aies trouvé quelque
sans expérience, c’était un peu comme débarquer chose dans tes goûts.
dans un conte des Mille et Une Nuits. Je voyais Je découvris bientôt que mes fonctions de chef
pour la première fois des palmiers, je me prome de train m’offraient de fameuses occasions de
« Chasseur dans la création. » Le livre contemporain, éd., Paris. © 1952, J. A. Hunter 41