Page 38 - Album_des_jeunes_1960

36 •LE SOUS-MARIN NE VOULAIT PAS MOURIR

ainsi marquer l’emplacement du Squalus par une fixation du Squalus. Il suffisait de virer le câble
bouée à l’intention des bâtiments de sauvetage. pour permettre à la cloche de descendre d’elle-
Le remorqueur Pénacook, ayant le contre- même sur le pont du sous-marin. Un autre câble
amiral Cole à son bord, rejoignit le Sculpin ce était fixé au sommet de cette cloche, pour qu’on
même après-midi, et à 17 h 30 un grappin du puisse la ramener en surface.
remorqueur fut accroché à la coque du Squalus.
Il n’y avait plus maintenant qu’à attendre l’arrivée Salut les gars !
du Falcon et de sa cloche de sauvetage.
vec deux hommes à l’intérieur, la cloche
A descendit doucement jusqu’à se trouver juste
La cloche au travail
au-dessus du dispositif de fixation du Squalus.
ce moment, la nouvelle de la catastrophe Alors commença la partie la plus délicate du
A figurait en première page des journaux. La travail. Tout d’abord, on remplit les ballasts afin
presse et la radio transmettaient d’heure en heure d’alourdir la cloche et de l’appliquer à sa place.
les dernières informations sur le sort de l’équi­ Ensuite on introduisit de l’air sous pression pour
page emprisonné. A bord du Squalus, les hommes chasser l’eau de mer du compartiment inférieur
se serraient les uns contre les autres pour se et du carter, afin que la cloche adhère fortement
réchauffer ; ils savaient qu’au-dessus d’eux on se au pont du sous-marin. Puis l’un des membres de
rassemblait pour les sauver. Le capitaine de l’équipage de sauvetage ouvrit le panneau d’accès
frégate McCann, inventeur de la merveilleuse au compartiment inférieur et y pénétra. Il assu­
cloche de sauvetage, était arrivé sur place. jettit la cloche sur le pont à l’aide de quatre pattes
A 4 h 25 du matin, alors que le Squalus gisait d'attache spéciales, si bien quelle se trouva collée
sur le fond depuis vingt heures, le Falcon arriva au Squalus comme un énorme coquillage. Son
à son tour, et l’opération de sauvetage put compagnon tourna le volant de verrouillage du
commencer. Avant toute chose, il fallut mouiller capot du trou d’homme et l’ouvrit. Alors il
solidement le Falcon sur quatre ancres afin de le aperçut au-dessous de lui les hommes empri­
maintenir immobile au-dessus du sous-marin. sonnés.
A 10 h 14, le mouillage était terminé, et le — Salut les gars ! Nous voilà ! dit-il en sou­
premier scaphandrier descendit du bateau de sau­ riant et en leur tendant un bidon de café.
vetage pour se mettre à l’eau. Sa tâche consistait A 13 h 42, la première fournée ramenant sept
à fixer à l’avant du Squalus un câble le long rescapés du Squalus émergeait sans incident.
duquel la cloche pourrait descendre. Le scaphan­ Quelques minutes après, la cloche redescendit et,
drier n’avait guère qu’une chance sur un million à 16 h 11, elle fit surface de nouveau avec neuf
de réussir ce tour de force et pourtant il atteignit autres survivants. A 18 h 27, un troisième voyage
l’épave à moins de deux mètres de l’endroit voulu. permit de ramener encore neuf hommes. Finale­
Il attacha le câble sur le dispositif de fixation ment, on embarqua les huit survivants restants,
de la cloche, à l’avant du sous-marin, et vingt parmi lesquels le commandant Naquin fut le
minutes plus tard il était de nouveau à la dernier à se hisser à l’intérieur de la cloche. Il
surface. était alors 19 h 51, et près de trente-six heures
A ce moment, le capitaine de frégate McCann s’étaient écoulées depuis la plongée fatale.
prit la direction des opérations et donna l’ordre de Les nouvelles du sauvetage avaient déjà été
mettre la cloche à l’eau. Elle pesait neuf tonnes diffusées à travers l’Amérique, et, quand le sous-
et avait la forme d’une énorme poire d’environ marin sauveteur atteignit Portsmouth, la foule
2,50 m de diamètre. L’intérieur était divisé en était rassemblée sur le quai pour acclamer les
deux, un compartiment supérieur et inférieur survivants.
avec des ballasts dans le bas qui pouvaient être Mais l’histoire du Squalus n’était pas finie.
remplis ou vidés pour ajuster la flottabilité. Le Les équipes de renflouage parvinrent plus tard à
compartiment supérieur était isolé de l’autre par ramener le sous-marin à la surface ; il avait passé
un panneau étanche. Sous le compartiment cent trois jours au fond de l’eau. En 1940, il
inférieur se trouvait un treuil à moteur — abrité reprit la mer sous le nom de Selfish et coula de
dans un carter — sur lequel était enroulé le câble nombreux bâtiments ennemis dans le Pacifique
dont l’extrémité avait été attachée au dispositif de pendant la Seconde Guerre mondiale.
Adapté de Saga