Page 186 - Album_des_jeunes_1960
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          le voilà qui s’élance et se met à gémir, sans pour­  à quelque distance, de petits nuages de poussière
          tant se risquer trop avant. J’essaie de rejoindre   qui montaient d’un buisson de cactus. Il prit ses
          mon cheval, mais lui, me tournant le dos en        jumelles et vit un grand loup des bois qui courait
          hennissant, s’enfuit. De nouveau j’appelle Red et   en rond, poursuivi par une antilope femelle.
          tente d’atteindre la clôture.                         Le loup — DeWitt s’en rendit compte — avait
            Comprenant ma manœuvre, le sanglier me           essayé de s’emparer du petit de l’antilope, et la
          coupe la retraite. Il fonce sur moi et, dans une   mère, furieuse, l’avait attaqué. Le loup se savait
          souffrance atroce, je sens sa défense cassée s’en­  incapable de distancer l’antilope et de gagner
          foncer dans ma jambe. Je m’effondre. La bête fait   avant elle le bois éloigné. Redoutant les terribles
          demi-tour puis, de nouveau, attaque. Je me recro­  sabots de son adversaire, il essayait de la décou­
          queville et je me mets à rouler sur moi-même.      rager en tournant autour du cactus.
             Enfin hors d’atteinte des sabots et des défenses   L’éleveur vit alors un petit faon se lever,
          de l’animal, j’ouvre les yeux et que vois-je ? Red   s’étirer, puis faire sur ses pattes flageolantes
          qui s’élance sur le monstre affolé par l’odeur du   quelques pas vers sa mère. La crainte que lui
          sang. Mon chien est métamorphosé : il attaque      inspirait le sort de son petit donna à l’antilope
          comme un démon, il mord, il gronde, il se bat et   un regain de forces. De ses pattes de devant, elle
          occupe ainsi la bête le temps qu’il me faut pour   frappa le loup qui s’abattit. Il se releva immédia­
          rejoindre mon cheval et tirer de son fourreau mon   tement, mais il saignait de l’arrière-train et boitait.
          fusil accroché à la selle. J’abats le sanglier d’une   Avec l’énergie du désespoir, la gueule menaçante,
          balle. L’amour de mon vieux chien pour son         il fit face à l’antilope. L’éleveur retenait son
          maître lui a permis de dominer sa peur, et lui a   souffle : le loup des bois est un adversaire redou­
          inspiré le courage auquel je dois la vie.          table, ses crocs recourbés peuvent pénétrer les
                                                             peaux les plus dures ; il est capable, en deux mou­
            Il est bien peu de bêtes en liberté qui ne       vements rapides, de couper le tendon du jarret
          montrent, en cas de nécessité, un courage excep­   d’un bélier et de l’égorger.
          tionnel. Le lapin a la réputation d’être le plus      Mais celui-là, dès son premier contact avec
          timoré des animaux. J’ai vu pourtant une lapine    l’antilope, se retrouva en piteux état. Il avait
          causer à un fox-terrier la plus grande surprise de   la mâchoire fracassée. Désormais, incapable de
          sa vie. Ce chien avait eu la maladresse de         tuer, déchiré, battu, la tête tournée de côté en
          s’aventurer parmi une portée de lapereaux. La      une position qui ne lui était pas naturelle, il
          mère, au lieu de prendre la fuite, s’est attaquée   amorça lentement sa retraite.
          au chien et, de ses pattes de derrière transformées   L’antilope, alors, lança l’assaut final. Bondissant
          en véritables marteaux-pilons, l’a harcelé de coups.   par-dessus un buisson de cactus qui lui barrait le
          Avec un jappement de stupéfaction, le fox-terrier   chemin, elle sauta carrément sur le loup. Ses
          a pris la fuite.                                   pattes étaient devenues de véritables têtes de
                                                             bélier qui martelaient, déchiraient. Le nuage de
            Parmi les histoires qui soulignent le courage    poussière quelles soulevaient empêcha l’éleveur
          dont les animaux sont capables, il en est une qui   d’assister au carnage final.
          me plaît particulièrement, c’est celle du duel qui    Quand la poussière fut retombée, il put voir la
          mit aux prises un grand loup des bois et une       mère antilope danser un instant devant le corps
          mère antilope. L’antilope se battait pour défendre   sans vie de son ennemi vaincu. Puis elle s’appro­
          la vie de son petit.                               cha de son petit et du museau le caressa tendre­
            Certain après-midi, un éleveur nommé DeWitt      ment. Son courage l’avait fait triompher de l’un
          parcourait son ranch à cheval lorsqu’il remarqua,   des plus redoutables seigneurs de la brousse.







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                                                   (Voir page 132.)
                Coquille Saint-Jacques I. Palourde 5. Patelle 6. Moule 3. Casque 7. Bigorneau 4. Nasse 2.
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