Page 44 - RI3_Francs_tireurs
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Vers  une  heure  du  matin,  les  parachutes  sont  largués  et
            ceux  qui  les  attendaient  connaissent  les  secondes  les  plus
            émouvantes  de  leur  vie  de  « maquisard ».  Tout  le  monde  se
            met  au  travail.  Nous  recueillons  d'abord  deux  parachutistes,
            un  ballot  d'appareils  «radio»  et  un  ballot  de  bagages.  Hélas,
            les  cylindres  d'armes  sont  tombés  plus  à  l'est.  La  clairière
            est  rapidement  explorée,  mais  sans  résultat.  Le  temps  passe,
            l'énervement commence  à  gagner  nos  camarades.  Vers  l'aube,
            nos  gars  s'aperçoivent  avec  stupéfaction  que  tous  les  « con-
            tainers »  sont  tombés  dans  des  terres  exploitées  par  une  fa-
            mille  de  collaborateurs  dont  le  père  et  les  trois  fils  sont  des
            S.O.L'.  acharnés.  A  peine  nos  amis  ont-ils  débouché  du  bois
            de  Draillant,  qu'ils  constatent  que  les  Vichyssois  sont  en
            train  de  piller  les  cylindres.
               Que  faire ?  Comment  réagir ?  Nous  sommes  sans  armes.
            Heureusement,  l'un  des  nôtres  fait  preuve  d'un  grand  sang-
            froid.  Tl  s'avance,  très  digne,  jusqu'à  une  dizaine  de  mètres
            des  pillards,  se  fige  au  garde-à-vous  et  lance  d'une  voix  de
            tonnerre  quelques  mots  d'allemand  sans  aucun  sens.  Puis  il
            fait  le  salut  nazi  et  pousse  un  retentissant  « Heil  Hitler» ...
            0  miracle,  les  trois  hommes  pâlissent,  bafouillent  et  tentent
            d'expliquer  qu'ils  ne  sont  pour  rien  dans  l'affaire.  C'est  en
            retenant une folle  envie de  rire que notre ami les entraîne dans
            leur  ferme  où  il  explose  encore  une  fois:  « Raus,  Franzosen  !
            Tous  terroristes,  tous  kaput ! »  Sur  ces  entrefaites  Boujard
            arrive  et  présente  une  vieille  carte  d'inspecteur  de  police.  Il
            affirme  aux  miliciens  atterrés  que  c'est  un  avion  allemand  en
            difficulté  qui  a  été  obligé  de  làcher  son  chargement  et  qu'ils
            sont exposés  à  des  sanctions très  graves  pour v avoir  touché.
            Il  enchaîne:  « Essayez  de  vous  arranger  avec  le  grand  Fritz.
            Peut-être  que  si  vous  lui  offrez  à  manger  et  à  boire,  il  ne·
            fera  pas  d'histoires ».
               Et  c'est  ainsi  que  quelques  F.T.P.  purent  se  restaurer  au
           compte des disciples  de  Darnand,  une fois  le  matériel  à l'abri.
               Cochard  prévenu  immédiatement,  charge  la  compagnie  de
            ramener dans la nuit même tout le  matériel  à  Allinges,  à quel-
           que  trente  kilomètres  de  là.  L'opération  réussit  ,Hl  prix  de
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