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584                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                     cause des accidents et des maladies que l’on   fabriques de ce produit, soit dans les fabri­
                     observe si souvent dans les fabriques d’al­  ques d’allumettes, exerce sur la santé des
                     lumettes chimiques. Pour revêtir ces allu­  ouvriers, ne saurait être mise en doute. La
                     mettes de la pâte phosphorée qui doit garnir   nécrose phosphorique, c’est-à-dire la des­
                     leur extrémité, il faut liquéfier cette pâte   truction de l’os maxillaire supérieur est,
                     par la chaleur ; or, par l’action de la cha­  malheureusement, une réalité incontestable,
                     leur, le phosphore liquide se réduit néces­  et qui justifie suffisamment le reproche d’in­
                     sairement en vapeurs. L’atmosphère des    salubrité que l’on formule généralement
                     ateliers se trouve ainsi chargée d’une cer­  contre la fabrication des allumettes à base
                     taine quantité de phosphore, en quantité   de phosphore blanc.
                     d’autant plus grande que les moyens de ven­
                     tilation sont moins actifs. Il est certain que   Les maladies auxquelles sont sujets les
                     l’atmosphère des ateliers où sont confec­  ouvriers employés dans les fabriques d’allu­
                     tionnées les allumettes chimiques, contient   mettes, ont été étudiées avec beaucoup de
                     habituellement des vapeurs de phosphore,   soin par un médecin de Metz, M. Géhin.
                     car on est saisi, dès qu’on y entre, par une   Dans un rapport fait en 1860, par M. Géhin,
                     odeur alliacée propre à la vapeur de ce corps,   au Conseil central d'hygiène et de salubrité
                     et l’on aperçoit dans l’air un nuage blanc, plus   de Metz, sur la fabrication des allumettes
                     ou moins intense, qui ne tarde pas à provo­  chimiques dans le département de la Mo­
                     quer la toux. Ces vapeurs blanches sont for­  selle, on trouve des renseignements intéres­
                     mées d’acide hypophosphorique, composé    sants sur les affections que provoque chez les
                     qui résulte de la combustion lente du phos­  ouvriers le maniement du phosphore.
                     phore à l’air. D’autre part, il est bien con­  L’opération qui demande le plusd’ouvriers,
                     staté que, dans l’obscurité, l’haleine des ou­  dit M. Géhin, est la mise en châssis des allu­
                     vriers employés au travail des allumettes   mettes. On emploie ordinairement des fem­
                     ainsi que les urines des mêmes ouvriers,   mes et des enfants pour la mise en châssis.
                     sont lumineuses dans l’obscurité. L’ab­     Le soufre se fond à feu nu, dans un vase
                     sorption du phosphore en nature et en va­  de fonte, chauffé à -j- 125 degrés. A cette tem­
                     peurs est ici bien manifeste, car le phos­  pérature, le soufre produit déjà des vapeurs,
                     phore est la seule matière à laquelle on   mais ces vapeurs ne sont pas pernicieuses.
                     puisse rapporter un tel effet.            Cependant, il est assez difficile de conserver
                       On a prétendu, en outre, que le phosphore   une température constante, et le soufre
                     exerce une action nuisible sur la fonction   s’enflamme quelquefois, ce qui détermine la
                     de reproduction, de sorte que les femmes   formation d’acide sulfureux, lequel n’est pas
                     attachées à ce travail seraient sujettes à l’a­  sans nuire à la santé des ouvriers.
                     vortement.                                  Les ouvriers qui travaillent à la prépara­
                       Hâtons-nous d’ajouter que cette action   tion de la pâte phosphorée, au trempage on
                     désastreuse est loin d’être prouvée. Il est   au chimiquage et à la mz'se en châssis, ainsi
                     dit dans un rapport de M. Poggiale, à l’Aca-   les ouvrières qui démontent les châssis pleins
                     démie de médecine, « que de nouvelles ob­  d’allumettes, sont seuls exposés à contracter
                     servations sont nécessaires pour admettre que   l’affection funeste connue sous la dénomina­
                     le phosphore produise cet effet. »        tion de nécrose, qui est occasionnée par le
                       Quoi qu’il en soit de cette dernière re­  phosphore. Les vapeurs dégagées par le phos­
                     marque, l’influence funeste que la manipu­  phore et par les pâtes phosphorées ont une
                     lation habituelle du phosphore, soit dans les   intensité qui croît avec la température du
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