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LES ALLUMETTES CHIMIQUES.                               581

        dans une dissolution d’azotatedeplomb. Leur I modèle  que l’on a installé les machines les
        pâte chimique diffère de la pâte ordinaire en   plus récentes, et que les études se poursuivent
        ce qu’elle ne contient pas de soufre.     pour le perfectionnement de cette industrie.


          Après les diverses opérations que nous ve­
        nons de décrire, il ne reste plus qu’à mettre
        les allumettes chimiques en boîtes. Cette             CHAPITRE IX
        opération se fait à la main, par des ouvrières.
                                                  LES DANGERS DES ALLUMETTES CHIMIQUES. — MALADIES
                                                   DES OUVRIERS EMLPOYES DANS LES FABRIQUES DE PHOS­
          En 1849, le nombre .des fabriques d’allu­  PHORE ET D’ALLUMETTES CHIMIQUES.
        mettes chimiques existant à Paris, n’était
        encore que de huit; en 1860, ce chiffre s’é­  Trois inconvénients principaux sont re­
        tait élevé à vingt-quatre. D’après un rapport   prochés aux allumettes chimiques actuelle­
        officiel il y avait en France, en 1870, environ   ment en usage, c’est-à-dire aux allumettes
        six cents fabriques d’allumettes. Le chiffre de   contenant un mélange de phosphore et de
        leur production annuelle pouvait être évalué   certaines matières combustibles : 1° leur
        au moins à quarante milliards d’allumettes,   danger comme substance vénéneuse ; 2° les
        ce qui suppose, par jour, une consommation   inconvénients qu’elles présentent au point de
        de cent onze millions, qu’on pouvait ainsi ré­  vue de la santé des ouvriers chargés de leur
        partir :                                  fabrication ; 3° leur danger comme cause
          35 millions d’allumettes en bois, vendues   d’incendie. Parcourons successivement cha­
        au paquet ;                               cun de ces trois points.
          70 millions d’allumettes en bois, par boîte   La facilité déplorable que l’empoisonne­
        de 60 (cinq centimes) et de 150 (dix cen­  ment criminel trouve dans les allumettes chi­
        times) ;                                  miques est, à nos yeux, leur plus grave défaut.
          6 millions d’allumettes en cire.        Avant l’emploi des allumettes chimiques, les
          Depuis l’année 1871, en vertu d’une loi   empoisonnements criminels ou volontaires
        votée par l’Assemblée nationale, pour sou­  s’accomplissaient presque exclusivement avec
        mettre à l’impôt les allumettes chimiques,   l’acide arsénieux ; depuis l’adoption des allu­
        la fabrication de ces allumettes est, comme   mettes chimiques, l’acide arsénieux a beau­
        tout le monde le sait, monopolisée entre les   coup perdu de ce fatal privilège, et c’est le
        mains d’une seule compagnie, la Compagnie   phosphore qui tend de plus en plus à rece­
        générale des allumettes chimiques, qui a pris   voir cette triste et redoutable destination. Si
        en régie cette fabrication pour un intervalle   l’on considère qu’il n’existe aucun antidote
        de cinq ans.                              connu de l’empoisonnement par le phosphore,
          La fabrication des allumettes chimiques   et qu’il n’est rien d’aussi difficile, pour un
        de la Compagnie générale se fait à Paris et à   expert chimiste, que de répondre à l’appel
        Angers. Les ateliers de Paris sont situés à   de la justice sur la réalité de cet empoison­
        Pantin et à Aubervilliers. Ce sont d’ancien­  nement, on comprendra tous les périls dont
        nes fabriques que l’on a améliorées le plus   cet état de choses menace la société. Depuis
        possible. Mais c’est dans les ateliers d’Angers   l’année 1826 jusqu’à l’année 1845, époque
        que la Compagnie a réuni les plus récents et   à laquelle les allumettes à base de phos­
        les plus efficaces perfectionnements intro­  phore commencèrent à se répandre en France,
        duits dans le débitage du bois et la fabrica­  les deux tiers des empoisonnements judiciai­
        tion des allumettes. C’est dans cette fabrique   rement constatés s’étaient accomplis avec l’a-
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