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LES ALLUMETTES CHIMIQUES. 583
analogues. La même affection ne tarda pas les fabriques d’allumettes chimiques ou de
à être constatée parmi les ouvriers de nos phosphore, sans un examen local préalable
fabriques : le docteur Théophile Roussel, qui aurait établi que cet ouvrier est exempt
s’étant livré à des recherches pour retrouver de toute carie dentaire pénétrante. On pour
dans les principaux établissements de Paris rait tout au plus leur donner accès dans les
l'affection signalée par les médecins alle fabriques après l’obturation ou l’extraction
mands, rencontra sur neuf individus des des dents ainsi affectées suivie de cicatrisa
altérations des os des mâchoires, et il con tion parfaite.
sacra un travail spécial à la description de Au début de la nécrose phosphorique, on
cette maladie. observe ordinairement des maux de dents,
Depuis le mémoire de M. Théophile Rous le gonflement de la mâchoire et la tuméfac
sel, les mêmes faits ont été constatés à di tion de la joue. Au bout d’un temps plus ou
verses reprises, tant à Paris qu’à Lyon. M. le moins long, les dents tombent, et l’on ne
docteur Lailler a vu, à Paris, vingt-six ou tarde pas à constater les caractères de la
vriers atteints de cette maladie, et à Lyon, nécrose. Cette affection se termine assez sou
M. Humbert en a vu douze cas. Les méde vent par la mort. Les individus qui en sont
cins qui ont étudié cette maladie et no atteints, s’ils ne succombent pas, restent af
tamment M. Théophile Roussel, ont re fligés de difformités et d’infirmités incura
marqué que les individus atteints avaient bles.
déjà les dents malades, que la carie des Ces difformités ont été décrites avec soin
dents s’était manifestée longtemps avant le par M. le docteur Broca ,* dans un rapport
début de la nécrose des os, et, dans plu à l’Académie de médecine.
sieurs cas, avant leur entrée dans les fabri
« La difformité que laisse après elle la nécrose
ques d’allumettes. M. Théophile Roussel
phosphorique, lorsqu’elle est un peu étendue, dit
pense même que l’altération d’une ou de M. Broca, compromet pour toujours la mastication et
plusieurs dents est une condition indispensa l’articulation des sons. En effet, la régénération est
toujours fort incomplète; elle manque presque en
ble au développement de la maladie des os
tièrement sur le maxillaire supérieur; sur le maxil
maxillaires, maladie qui se produit sous l’in laire inférieur, elle donne lieu à un os nouveau privé
fluence de l’action prolongée des vapeurs de dents, offrant peu de surface, et qui, décrivant une
courbe moindre que l’os ancien, ne répond plus à
phosphorées.
l’arcade dentaire supérieure dans les mouvements
Dans un travail communiqué le 1er no de la mastication. 11 en résulte encore, lorsque la
vembre 1875, à l’Académie des sciences de nécrose a frappé la partie moyenne du corps de ces
Paris, sur la pathogénie et la prophylaxie de os, que la saillie du menton disparaît presque com
plètement ; souvent il reste, en outre, une tuméfac
la nécrose phosphorée, M. le docteur Magitot,
tion considérable qui occupe le niveau des branches
chirurgien-dentiste connu par un grand de la mâchoire, et qui est due à l’engorgement chro
nombre de travaux anatomiques et patholo nique des parties molles et surtout au volume con
sidérable delà partie correspondante de l’os nouveau,
giques relatifs à l’art dentaire, a spécifié la
double circonstance qui donne au malade une phy
variété de carie qui donne spécialement en sionomie étrange et caractéristique. »
trée, pour ainsi dire, à la nécrose des os
maxillaires d’origine phosphorée. C’est la La fâcheuse influence que le maniement
carie dite pénétrante. D'après M. Magitot, habituel du phosphore exerce sur la santé
cette nécrose a pour cause unique, pour des ouvriers, ne saurait, d’ailleurs, être mise
porte d'entrée invariable, exclusive, cette va en doute.
riété de carie dentaire. Aussi M. Magitot vou On ne peut rapporter qu’à la continuelle
drait-il qu’aucun ouvrier ne fût admis dans inspiration des vapeurs phosphorées la