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526 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
laquelle Kunckel demanda finement au recommande à son élève de traiter de la craie
bailli si son phosphorus pourrait absorber par l’esprit de nitre, de calciner fortement
la lumière d’une lampe, comme il absor le produit de cette combinaison et de l’in
bait celle du soleil. former si, par cette expérience, on pourrait
«J’en ferai l’essai, » dit Baudouin; puis obtenir lephosphorus de Baudouin.
il se mit à parler d’autre chose. L’expérience réussit pleinement. Quel
Cependant, à une troisième visite, Bau ques jours après, Kunckel recevait de Tutzky
douin consentit à faire cette expérience un échantillon de phosphorus. Il s’empressa
devant Kunckel, et, par conséquent, à lui de l’envoyer à Baudouin, « en remercî-
laisser voir le phosphorus. Seulement, il eut ment, disait-il dans sa lettre d’envoi, de sa
soin de tenir la précieuse substance hors de jolie soirée musicale. »
la portée de la main du chimiste. Voici maintenant comment la découverte
Kunckel eut alors une idée triomphante: du phosphore de Baudouin conduisit à fabri
« Si nous essayions, dit-il au bailli, de quer notre phosphore actuel.
faire absorber à votre phosphorus la lumière Il n’existait, au dix-septième siècle, aucun
d’une lampe, en concentrant ses rayons au de ces recueils périodiques qui servent au
moyen d’un miroir concave ? L’effet lumi jourd’hui à opérer dans le monde entier la
neux serait bien plus intense. » diffusion des nouvelles découvertes de la
Le bailli trouva cette inspiration si heu science. Le petit nombre d’académies ou de
reuse, que, dans la précipitation qu’il mit sociétés savantes, alors de création toute ré
à aller chercher le miroir concave dans le cente, n’avaient pas encore compris l’im
cabinet de physique, il eut l’imprudence portance de la mission libérale qui leur
d’oublier sur la table son phosphorus. L’oc était réservée. La connaissance des nou
casion était unique; Kunckel se jette sur le velles acquisitions scientifiques ne se ré
phosphorus, en détache un morceau, et le pandait donc à cette époque que par leurs
cache dans sa bouche, au risque d’avaler auteurs eux-mêmes, qui voyageaient en Eu
Vàme du monde. rope, pour communiquer aux principales
Quelques instants après, le bailli rentra, Universités le résultat de leurs travaux.
sans rien soupçonner, et l’on fit l'expérience Aussi, lorsque Kunckel eut découvert,
du miroir concave. comme nous venons de le rapporter, la
En se retirant, et pour se donner une véritable nature du phosphore de Baudouin,
contenance, Kunckel demanda une dernière il se mit à parcourir les villes universitaires
fois au bailli de lui vendre son secret. Mais de l’Allemagne, pour y faire connaître ce
celui-ci manifesta des prétentions tout à fait curieux et nouveau produit.
déraisonnables. Deux mois après les événements que nous
Examiner le petit échantillon de phos venons de raconter, Kunckel arrivait, dans
phorus qu’il avait dérobé à la surveillance cette intention, à Hambourg.
de Baudouin, et reconnaître sa provenance Lorsque Kunckel arriva à Hambourg, il y
chimique, ne fut pas difficile pour un chi avait, dans cette ville, un négociant ruiné,
miste aussi expérimenté que Kunckel. Il re nommé Brandt. Les temps dont nous par
connut que ce sel était du nitrate de chaux. lons différaient beaucoup des nôtres, car
Ce fait étant bien reconnu, Kunckel expé alors les négociants tombés en faillite étaient
die à Dresde un messager, porteur d’une sans fortune, et les personnes qui a> aient
lettre pour l’un des élèves de son labora besoin d’argent ne connaissaient pas de
toire, nommé Tutzky. Dans cette lettre, il meilleur moyen pour s’en procurer que de