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524 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
Ainsi l’entendaient, du moins, nos deux Aussi Bovle, dès qu’il eut connaissance
alchimistes, et le public lui-même, qui leur de la découverte de Baudouin, s’empressa-
achetait, moyennant douze groschen le loth t-il d’instituer une sous-division en l’hon
(environ deux francs les 30 grammes) cette neur des substances qui sont phosphores
eau miraculeuse, dont seigneurs et vilains centes grâce à l’absorption des rayons solai res.
se montraient jaloux de faire usage. Le phosphore de Baudouin figurait seul dans
Tout marchait ainsi, lorsqu’un jour, ou cette sous-division.
plutôt un soir, de l’année 1674, Baudouin Le bailli Baudouin courut à Dresde, pour
ayant, par mégarde, cassé la cornue dans communiquer sa découverte à divers per
laquelle il avait l’habitude de calciner son sonnages importants de la cour, en parti
sel de chaux, fut très-surpris de voir ce sel culier à Jean Kunckel, chimiste officiel de
répandre dans l’obscurité line vive lumière. l’Electeur de Saxe.
11 reconnut bientôt après, que cette propriété Kunckel était un de ces savants émi
de luire dans les ténèbres n’appartenait à nents du dix-septième siècle, dont l’esprit
cette substance que si on l’avait préalable vigoureux sut ramener la chimie dans la
ment exposée, pendant un certain temps, voie de l’observation et de l’expérience, en
à l’action du soleil. la dépouillant des spéculations mystiques
Le hasard seul avait présidé à cette obser qui l’avaient si longtemps obscurcie. Atta
vation, mais notre expérimentateur en fut ché alors, à Dresde, au laboratoire de l’Élec-
ravi, car il venait de faire ainsi une véri teur de Saxe, Georges II, avec des avantages
table découverte. considérables, Kunckel avait, auparavant,
Si l’on consulte, en effet, les ouvrages de parcouru une partie de l’Europe, pour ajou
Robert Boyle, on y voit que l’on désignait ter à son savoir, et il devait laisser dans la
alors, sous le nom générique de phosphores, science un nom estimé, ainsi que des tra
toutes les substances qui ont la propriété vaux du premier ordre. Cependant il avait,
de luire dans l’obscurité. Boyle, qui avait comme tant d’autres, cédé un moment à la
étudié ces divers produits, les divisait en manie du siècle. L’ouvrage qu’il composa
deux classes : les phosphores naturels et les sur Y Or potable est un témoignage de cette
phosphores artificiels. Dans la classe des innocente déviation. 11 était membre de l’A-
phosphores naturels, Boyle rangeait le dia cadémie des curieux de la nature, et posséda
mant, le ver luisant, le bois pourri et les plus tard, à la cour de Charles XI, roi de
poissons devenus phosphorescents par la Suède, le titre, un peu fantastique, de con
putréfaction. La classe des phosphores arti seiller des métaux.
ficiels ne comprenait, d’après Boyle, qu’une Kunckel n’était pas pour rien membre de
seule espèce, la pierre de Bologne (notre Y Académie des curieux. Dès qu’il eut reçu
sulfure de baryum). Baudouin venait de de Baudouin la communication de sa dé
découvrir une nouvelle espèce dans le groupe couverte d’un phosphore artificiel qui
des phosphores artificiels. Cette substance provenait de Y âme du monde et brillait
était même appelée à exciter particulière après avoir absorbé les rayons du soleil,
ment la curiosité des savants; car, tandis il fut pris d’un violent désir de posséder
que la pierre de Bologne est phosphores cette merveille. Il sollicita avec tant d’ins
cente sans aucune condition spéciale, le sel tances Baudouin de lui révéler la manière
de Baudouin n’est lumineux dans l’obscu de préparer ce sel miraculeux, que ce
rité qu’autant qu’on l’a exposé à l’action du dernier, comprenant tout d’un coup l’im
soleil. portance de sa découverte, résolut de la