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510                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     les troubles révolutionnaires. Dès que l’or­  lever. Le préjugé que « la vapeur brûle le
                     dre fut un peu rétabli, la veuve d’un sieur   linge» se répandit ainsi dans le public, et fit
                     Monet, qui avait créé à Bercy l’un de ces éta­  rejeter cette méthode, jusqu’au moment où
                     blissements, s’adressa au Directoire, pour   des appareils simples, mais, d’ailleurs, con­
                     solliciter un secours pour elle et ses enfants.   struits sur les mêmes principes posés dans
                     Elle faisait connaître, dans sa supplique, le   V Instruction de Cadet de Vaux, sont venüs
                     procédé de son mari, qui était à très-peu   rendre évidents les avantages du blanchis­
                     près celui du blanchissage à la vapeur tel   sage à la vapeur.
                     qu’on le pratique aujourd’hui, et que nous   Le procédé pour le blanchissage du linge
                     décrirons plus loin.                       à la vapeur, bien que déjà décrit dans
                       Chaptal s’occupait alors du blanchiment   Y Instruction de Cadet de Vaux, fut breveté
                     des fils et des toiles, mais il ne s'était pas en­  en 1847, au nom de M. S. Charles et Cle,
                     core inquiété du blanchissage du linge.    sous ce titre : Appareil de lessivage à la va­
                     Erappé des résultats qui avaient été obtenus  peur perfectionné (1).
                     à la buanderie de Bercy, qu’il trouva dé­    Ce procédé consiste à plonger le linge
                     crits dans la pétition de la veuve Monet,   sale dans de l’eau contenant du carbonate
                     Chaptal fit de nombreuses expériences, et   de soude en proportion qui sera indiquée
                     ne tarda pas à regarder le blanchissage à la   plus loin, à l’imprégner bien également
                     vapeur comme le procédé le plus rationnel   de cette lessive, puis à l’exposer à l’action de
                     et le plus économique que l’on pût appli­  la vapeur, qui, élevant progressivement sa
                     quer au blanchissage du linge.             température jusqu’à 100°, sans dépasser ce
                        Peu de temps après, Chaptal ayant été   terme, saponifie les matières grasses du
                      nommé ministre de l’intérieur, fit étudier   linge sale. Il suffit de retirer le linge, après
                      cette question. Divers chimistes, parmi les­  environ deux heures d’action de la vapeur,
                      quels nous citerons Bosc, Roard, Curaudeau,   de le savonner et de le rincer à grande
                      Bourgeron, de Lavre et Cadet de Vaux,     eau, pour obtenir le linge parfaitement
                      expérimentèrent ce nouveau procédé. Chap­  blanc.
                      tal chargea Cadet de Vaux de rédiger une    Cependant le préjugé « que la vapeur
                      Instruction populaire sur le blanchiment à la   brûle le linge » continuant de régner, on
                      vapeur qui parut en 1805.                 chercha d’autres procédés.
                        Malgré les recommandations de Chaptal     Le premier système qui fut employé pour
                      et de Cadet de Vaux, ce procédé fut accueilli   opérer le lessivage du linge avec économie
                      avec peu de faveur. On se défia de la tem­  et promptitude, fut le blanchissage par affu­
                      pérature élevée à laquelle le linge était sou­  sion des lessives. Nous avons décrit, dans la
                      mis. On crut que la vapeur brûlait le linge,   première partie de cette Notice, la cuve à
                      ce qui n’est vrai que lorsque la vapeur est   projection inventée par Widmer, de Jouy,
                      portée à une trop haute température ou    pour blanchir par les lessives, alternative­
                      appliquée au linge sec. Dans les buanderies   ment avec le chlorure de chaux, les toiles
                      qui furent établies à Paris, vers 1805, d’a­  de lin, de chanvre et de coton. La cuve à
                      près F Instruction de Cadet de Vaux, on em­  projection fut appliquée, dès son invention
                      ployait la vapeur produite par des généra­  par Widmer, au blanchissage du linge.
                      teurs à haute pression. Cette vapeur, d’une   Si J’on veut bien se reporter à la figure 215
                      température trop élevée, détériorait le linge,   (page 490) on verra que cet appareil se com-
                      y coagulait les matières albumineuses et
                                                                 (1) Brevets d'invention de 1842 à 1847 et Bulletin de la
                      le laissait maculé de taches difficiles à en­  Société d’Encouragement, 1847.
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