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INDUSTRIE DE L’EAU.                                339

      menades à cheval. Et le manouvrier qui,   dans des mémoires, dans des brochures,dans
      brûlé par l’ardeur du soleil, ou fatigué de   desréunions publiques,de continuer d’abreu­
      sa pénible tâche, court étancher sa soif à la   ver d’eau de Seine la population de Paris?
      prochaine borne-fontaine, ce manouvrier    Quand on se rappelle aujourd’hui les po­
      a-t-il une cave? La cave est un luxe de bour­  lémiques ardentes que soulevait en 1860 le
      geois. Les petits ménages ne sont pas mieux   projet de M. Haussmann, d’amener à Paris,
      C                      •
      partagés. La mère de famille, absorbée par   par un aqueduc, les sources de la Dhuis et de
      ses occupations, a-t-elle le temps de des­  la Vanne, on s’attriste de voir avec quelle
      cendre sa cruche à la cave, pendant l’hi­  facilité la passion politique, aidée de l’igno­
      ver, ou de puiser, en été, l’eau du puits,   rance, permet d’égarer les populations, et
      pour y faire rafraîchir le liquide qui sort de   de leur suggérer des idées absolument con­
      |i conduite publique? Reste, il est vrai, le   traires à leurs intérêts les plus directs. Si
      filtrage à domicile ; mais il exige, pour l’en­  l’opposition de 1860 eût prévalu, où en se­
      tretien des filtres, des soins qu’on ne peut   rait aujourd’hui la ville de Paris, en ce qui
      guère attendre de pauvres ménagères ac­  concerne les eaux potables, avec la Seine
      cablées de travail. Un filtre n’opère pas sur   infectée par les égouts et les eaux de l’Ourcq
      l'eau par une vertu magique, il ne sert pas   devenues à peu près impotables? Heureuse­
      indéfiniment. Si, tous les six mois, on n’a   ment on laissa dire la Patrie et le Siècle,
      pas le soin de détacher la pierre filtrante,   M. Havin et M. Delamarre. Aujourd’hui,
      de la brosser, de la nettoyer à fond, elle   Paris reçoit un véritable fleuve d’eau pure,
      devient une nouvelle cause d’infection.   et il se passe de l’impôt absurde du porteur
      En effet, les impuretés, les souillures res­  d’eau, les sources de La Vanne et de la Dhuis
      tées à l’intérieur de la pierre poreuse,   lui apportant une eau limpide, qui n’a au­
      provoquent la putréfaction des matières or­  cunement besoin d’être filtrée.
      ganiques contenues dans les eaux; de sorte
      que ces filtres ajoutent ainsi à l’insalubrité
      qu’ils ont pour but de combattre.
                                                          CHAPITRE XXXVI
        Le projet de l’édilité parisienne qui fut
      livré en 1860 aux discussions des journaux,   LES NOUVEAUX AQUEDUCS DE DÉRIVATION DES SOURCES DE
                                                 LA DHUIS ET DE LA VANNE. — LES RÉSERVOIRS DE
      du public et des savants, avait donc un carac­
                                                 MÉNILMONTANT ET DE MONTSOURIS.
      tère éminemment populaire et philanthro­
      pique. L’amélioration du sort des classes pau­  Les deux aqueducs dont la municipalité
      vres est dans les aspirations et les désirs de   de Paris avait décidé l’exécution pour la dé­
      tous ; mais il ne faut pas s’en tenir à des vœux   rivation des eaux de la Dhuis et de la Vanne,
      stériles ; il faut agir, il faut que la science   ne furent pas construits simultanément. On
      et l’humanité se mettent à l’œuvre de con­  commença par celui de la Dhuis, qui fut
      cert. On a compris la nécessité d’assainir le   terminé en 1865. Les eaux de la Dhuis fu­
      logement du pauvre, de lui fournir de l’air   rent amenées sur les hauteurs de Ménil-
      respirable, d’élargir les rues, d’ouvrir des   montant, et un immense réservoir fut con­
      «ÿaam, ou jardins publics ; est-il besoin de   struit pour la réception et la distribution de
      ■appeler que, pour le pauvre, une eau pure,   ces eaux. Ce volume d’eau était destiné à
      abondante et fraîche, c’est la santé, c’est   l’alimentation des quartiers hauts de la rive
      peut-être la vie?                        droite de la Seine, qui exigeait 40,000 mè­
        Songeaient-ils à cela ceux qui, en 1860.   tres cubes d’eau par 24 heures.
      prêchaient si ardemment dans les journaux,   Depuis 1857 jusqu’à 1860, toute la par-
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