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338 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
peur, les 105,000 mèlres cubes que verse journelle «claires! s’écriait le bon docteur ; mais y
ment le canal dans les réservoirs de la ville, vous se
« a-t- il donc tant de gens à Paris qui boi-
riez en ce moment même contraints de faire figurer
en dépense à votre budget, pour le service des ma « vent de l’eau trouble? A vous dire vrai, je
chines élévatoires, une somme annuelle considéra « n’en connais guère! » Sans doute, savant
ble, charge lourde et croissante, dont il ne vous se académicien, mais vous oubliez que ces
rait pas possible de vous affranchir. Ce que notre
premier empereur a fait pour l’ancien Paris, l’em eaux claires on ne les livre qu’à prix d’ar
pereur Napoléon III le fera avec plus de magnifi gent. Allez dans les quartiers pauvres de
cence encore pour la ville nouvelle. » Paris, dans les faubourgs, là où quelques
centimes ont leur valeur, entrez dans les
On ne saurait méconnaître la grandeur, chantiers de construction, dans les ateliers,
et en même temps la justesse de ces vues. et vous ne direz plus ne connaître personne
Disons enfin que la nouvelle distribution à Paris qui boive de l’eau trouble.
d’eau de source a été conçue dans les inté Ce n’est donc, nous le répétons, ni le
rêts populaires. Dans la question des eaux riche, ni le bourgeois des grandes villes qui
potables à distribuer aux grandes villes, ce sont intéressés, sous le rapport hygiénique,
sont les classes pauvres, l’artisan, l’ouvrier, dans la question des eaux potables : l’ou
le petit ménage, qui sont principalement vrier, le ménage pauvre, c’est-à-dire l’im
intéressés. Le riche habitant, l’homme aisé, mense majorité de la population des villes,
souffre peu des mauvaises qualités de l’eau voilà ceux que cette question touche et con
potable ; il a toujours quelque moyen de cerne, voilà ceux qui sont victimes des vi
la corriger : il a les filtres perfectionnés, cieuses dispositions du service des eaux pu
dans lesquels il épure une eau, déjà payée bliques, ceux qui payent par la souffrance,
au porteur d’eau, c’est-à-dire prise aux fon par les maladies, les fautes que commet
taines marchandes, où elle a subi une pre tent les administrations municipales dans
mière épuration; il a le vin, avec son action la distribution des eaux. A nos yeux, le
tonique, l’eau de Seltz, avec son acide car système vraiment parfait serait celui qui
bonique digestif. Comme le voulait la reine livrerait aux bornes-fontaines, sans aucune
Marie-Antoinette, à défaut de pain, il mange rétribution, sans nécessiter aucun filtrage,
de la brioche ; à défaut d’eau pure, il boit une eau d’une grande pureté et d’une bonne
de l’eau rougie. Beaucoup d’excellents bour température. Les eaux distribuées à la po
geois de Paris n’ont appris que par leur pulation d’une grande ville, devraient tou
journal les fâcheuses qualités que l’on re jours, selon nous, pouvoir être bues sans
proche à l’eau de la Seine. Avant de pa aucun filtrage préalable, sans aucun tra
raître sur la table, cette eau a subi dans les vail; elles ne devraient avoir besoin ni
appareils de l’administration, dans le filtre d’être rafraîchies, ni d’être réchauffées.
des fontaines marchandes, dans la fontaine Comment, en effet, l’ouvrier, le ménage
de l’office, tout un travail dont le résultat pauvre, pourraient-ils effectuer ces prépa
seul se montre aux yeux du consommateur, rations? On a dit que l’eau de la Seine con
sans qu’il en ait conscience. servée, avant d’être bue, dans des réser
C’est dans cette erreur naïve que tomba, en voirs placés dans la cave, y prendrait une
1860, un honorable médecin de Paris, M. le température convenable. Sans doute, mais
docteur Jolly, membre de l’Académie de l’ouvrier a-t-il une cave ? Ce conseil res
médecine, qui crut devoir essayer une ré semble un peu à celui du médecin qui pres
futation du Rapport de la commission d'en crirait à un malade misérable le vin de
quête du département de la Seine. « Des eaux Bordeaux, les viandes de choix et les pro-