Page 335 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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INDUSTRIE DE L’EAU. 333
Tout se serait, en effet, réduit à commander Mais comment aurait-on élevé l’eau de la
aux constructeurs le nombre de machines à Seine ? Ce travail n’aurait pu se faire par
vapeur et de conduites d’eau nécessaires des machines à vapeur sans occasionner de
pour la nouvelle distribution. On se serait grands frais d’établissement, et un entretien
ainsi épargné bien des tracas, et l’on aurait quotidien qui aurait absorbé une somme
évité aux ingénieurs du service municipal considérable. L’eau de la Seine élevée par
bien des fatigues et des travaux. Le grand des machines à vapeur établies, par exem
mérite du préfet de la Seine fut de renoncer ple^ Port-à-l’Anglais, jusqu’à la hauteur
à ce système, d’une facile exécution, de con exigée par les nouveaux services, c’est-à-dire
cevoir quelque chose de plus hardi, de mieux à 64 mètres en moyenne, serait revenue aussi
en harmonie avec l’état actuel de la science cher que le même volume d’eau amenée par
et des véritables besoins de la population dérivation d’un aqueduc de 35 lieues de
parisienne. longueur. Quant à élever cette eau par de
Supposez, en effet, réalisé le système d’a simples ouvrages hydrauliques, par des bar
limentation de Paris au moyen de l’eau de rages et des turbines ou des roues, c’est
la Seine, quels en auraient été les résultats? une conception aujourd’hui condamnée sans
Après avoir élevé l’eau du fleuve par des ap retour; le grand nom et l’autorité d’Arago
pareils convenables, qu’aurait-on donné à n’ont pas suffi à la sauver (1). La naviga
l’habitant de Paris? Une eau impure. — tion de la Seine constamment entravée, les
L’impureté de la Seine est un fait de toute chutes d’eau destinées à faire marcher les
évidence, et à quelque hauteur qu’on re pompes, suspendues par suite des crues du
monte en amont de Paris, on aurait tou fleuve, et par conséquent la distribution des
jours trouvé des usines qui, par leurs rési eaux compromise à la suite des grandes
dus, auraient altéré la pureté de l’eau. Une pluies : telles auraient été les conséquences
eau trouble. — Cette eau trouble, le peu de l’élévation de l’eau de la Seine par des
ple, qui n’a pas le moyen de payer au por ouvrages hydrauliques. Les Parisiens au
teur d’eau 5 francs le mètre cube d’eau fil raient manqué d’eau dans leurs maisons
trée, c’est-à-dire 10 centimes la voie de quand la saison aurait été trop pluvieuse!
20 litres, l’aurait consommée telle qu’elle Voilà pourtant à quelle singulière consé
sort de la conduite publique. Le riche et quence on aurait été conduit avec les ouvra
le bourgeois auraient continué de l’acheter; ges et les machines hydrauliques employées
de là, l’impôt habituel du porteur d’eau à élever l’eau du fleuve.
maintenu sur le budget quotidien du pau L’eau de la Seine étant ainsi reconnue
vre. — Une eau froide en hiver, chaude impropre à la nouvelle distribution pro-
en été. Pour la ramener à une température
agréable, en hiver ou en été, il aurait fallu (1) On n’a pas oublié la discussion qui s’éleva à la Cham
bre des députés entre Arago et le ministre des travaux
la descendre à la cave ou dans le puits.
publics. L’illustre savant proposait de placer, à la pointe de
Ainsi la ville de Paris aurait fait chaque la Cité, un énorme barrage de trois mètres, qui aurait in
jour une dépense considérable pour élever failliblement noyé toutes les propriétés riveraines en amont
du fleuve. Le ministre des travaux publics n’eut pas de
par des machines à vapeur l’eau jusqu’au peine à prouver que cette chute énorme était irréalisable;
sommet des maisons les plus hautes de Paris, qu’en la'réduisant à de justes proportions, on réduirait aussi
le volume d’eau montée à 30,000 ou 40,000 mètres cubes,
et le premier soin du consommateur aurait quantité insuffisante pour l'alimentation de Paris; enfin,
dû être de descendre cette eau à la cave, que l’usine hydraulique serait exposée à des chômages
qui diminueraient de beaucoup son utilité. Telle était aussi
pour la faire rafraîchir : plaisante consé
l’opinion de Mary, l’ingénieur en chef des eaux de Paris,
quence, on en conviendra. qui, dans ce débat, fut l’auxiliaire du ministre.