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                      jetée, il ne restait que la dérivation d’une   pour alimenter cette ville en eaux po­
                      rivière ou d’une source. La dérivation des   tables.
                      rivières a occupé les ingénieurs français   Nous faisions ressortir tout à l’heure les
                      pendant les deux derniers siècles. On con­  inconvénients, les incohérences pratiques,
                      naît le projet de la dérivation de l’Eure,   qui seraient résultés de l’adoption du sys­
                      qui avait tant souri à Louis XIV, et dont   tème de l’élévation des eaux de la Seine.
                      l’exécution fut même commencée au dix-    Mettons en regard les avantages, l’enchaî­
                      huitième siècle. La dérivation de l’Yvette,   nement des réalités logiques, qui ont été la
                      à laquelle de Parcieux a attaché son nom   suite de l’exécution du projet de dérivation
                      d’une manière impérissable, la dérivation   des eaux de source.
                      de la Bièvre et celle de la Beuvronne, dont   Avec le nouveau système aujourd’hui
                      nous avons longuement parlé, ont été étu­  établi, il y deux natures d’eaux différentes
                      diées au dix-huitième siècle, de la manière   affectées au service. Les eaux de la Seine et
                      la plus approfondie ; mais on sait positive­  celles du canal de l’Ourcq servent à entre­
                      ment aujourd’hui qu’aucun de ces projets   tenir les services publics, à arroser les rues,
                      ne satisferait aux besoins actuels de la ca­  à nettoyer les pavés, à laver les égouts, à
                      pitale. La dérivation de la Loire, qui avait   entretenir les fontaines monumentales et
                      été proposée au conseil municipal vers 1859,   décoratives, etc.; c’est là leur emploi natu­
                      n’aurait pas été plus heureuse. Il aurait   rel, car ce que l’on reproche à ces eaux, ce
                      fallu commencer par résoudre le problème,   n’est pas leur défaut d’abondance, mais leur
                      déclaré aujourd’hui presque insoluble, de   impureté, et pour les services publics la
                      la filtration des eaux de la Loire en toute   pureté n’est plus une condition nécessaire.
                      saison.                                   Les eaux des sources de la Dhuis et de
                        Ainsi la dérivation des eaux de source   la Vanne sont réservées pour la boisson,
                      était le seul moyen praticable. Mais où   la table et les usages domestiques. Ces
                      prendre ces eaux? Le bassin de Paris est   eaux ont toutes les qualités exigées pour
                      malheureusement traversé par une lentille   les eaux potables : la fraîcheur en été, en
                      de gypse qui charge de sulfate de chaux la   hiver une température agréable, puisque
                      plupart des sources qui avoisinent la capi­  l’eau d’une source, en toute saison, ne varie
                      tale. Il fallait donc s’écarter de Paris pour   pas dans sa température au delà de + 10 à
                      trouver de bonnes eaux. Les meilleures eaux   -j- 12°, quand elle est dirigée et maintenue
                      de source sortent des terrains de granit;   dans un canal souterrain. Ces eaux sont
                      mais les terrains du Morvan sont trop éloi­  pures et limpides comme toutes les eaux de
                      gnés de Paris, et ne produisent, d’ailleurs,   source; de là l’affranchissement, pour la
                      que des sources d’un très-petit débit. Les   population parisienne, de l’impôt du mar­
                      meilleures sources, après celles qui s’é­  chand d’eau filtrée, ou porteur d’eau. Plus
                      chappent des granits, sortent de la craie.   de fontaines à filtre dans les offices, plus de
                      Or les terrains crayeux, dans le bassin de   fontaines marchandes dans les rues; l’eau
                      Paris, commencent à la limite des ar­     puisée par le pauvre à la conduite publi­
                      giles de la Brie et de la craie blanche   que, est tout aussi pure que celle qui est
                      de la Champagne. C’était donc là qu’il    apportée sur la table du riche, attendu que
                      fallait s’adresser, et c’est là que s’adressa   c'est toujours la seule et même eau. Ainsi
                      M. Belgrancf quand il fut chargé par le
                                                                le ménage bourgeois qui dépensait autre­
                      préfet de la Seine d’étudier les sources   fois 15.à 20 centimes d’eau par jour, pour
                      qu’il serait possible de dériver à Paris   l’achat d’eau filtrée, est exonéré de cette
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