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180                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                 encore en dehors de l’industrie moderne,   le banc de calcaire ou de gypse qui recouvre
                 ne seront pas de trop, pour terminer ce  I la couche aquifère.
                 chapitre.                                    Parmi les Arabes de l’Oued-Rir, lesynfi.
                    Dans les déserts africains, les cours d’eau   satiers (R'tass) forment une corporation
                 sont très-rares. Du versant méridional de   particulière, qui jouit d’une grande consi­
                 l’Atlas, quelques ruisseaux descendent dans   dération. Les moyens qu’ils emploient sont
                 la plaine, mais ils tarissent dans la saison   d'ailleurs, tout à fait barbares. Comme ils
                 chaude. 11 en est de même des petites rivières   ne peuvent pas épuiser les eaux d’infiltra­
                 qui alimentent les lacs de la grande oasis au   tion, ils travaillent fréquemment sous l’eau,
                 sud de l’Algérie; aussi ces lacs sont-ils   quelquefois sous des colonnes de 20 mètres
                 presque à sec pendant l’été. Le bord occi­  de hauteur. Quelques-uns périssent par suf­
                 dental du Sahara est arrosé par la rivière   focation, les autres meurentde phthisie pul­
                 Ouédi-Draa, qui descend de l’Atlas maro­   monaire, au bout de peu d’années. Chaque
                 cain, et par le Sagniel, qui vient du sud.   plongeur ne reste que deux ou trois minutes
                 On attribue à l’une et à l’autre une longueur   sous l’eau, puis ramène son panier rempli
                 considérable ; mais elles tarissent aussi pen­  de déblais. On comprend avec quelle len­
                 dant les grandes chaleurs.                teur doit marcher le creusement d’un puits
                   Les pluies absorbées par le sable du dé­  dans de telles conditions.
                 sert forment très-probablement de puis­      Les puits creusés avec tant de peine n’ont
                 santes nappes d’eau souterraines, à une   quelquefois qu’une durée éphémère : un
                 profondeur peu considérable. Cette cir­   coup de vent ou le simoun viennent y re­
                 constance est bien connue des Arabes, qui,   jeter les sables, et l’oasis meurt avec la
                 de temps immémorial, ont mis à profit ces   source qui la fertilisait.
                 eaux souterraines en creusant des espèces de   Les eaux des puits employées à l’arrosage
                 puits artésiens. Pour eux, le Sahara est une   du sol africain, y provoquent une végétation
                 île qui flotte sur une mer souterraine. Lors­  salutaire, qui attire en ce point quelques
                 qu’ils manquent d’eau, ils percent le sable,   nuages et précipite les vapeurs atmosphé­
                 jusqu’à ce qu’ils arrivent à la couche aqui­  riques. Chaque puits devient ainsi un centre
                 fère.                                     de végétation autour duquel se groupent les
                   Le célèbre géographe et astronome de    habitations et les cultures : il est, pour ainsi
                 l’ancienne Egypte, Ptolémée, a comparé la   dire, l’âme de l’oasis. Aussi les habitants le
                 surface du Sahara à une peau de panthère:   ménagent-ils avec le plus grand soin. L’ori­
                 le pelage jaune représente les plaines de   fice du puits est recouvert d’une peau, qui
                 sable, les taches noires sont les oasis éparses   le défend contre l’invasion des sables ; de
                 sur cette solitude immense.               petites rigoles amènent son eau dans les
                   L’existence des oasis et de tous les villages   jardins, où elle arrose les légumes, à l’ombre
                 qui se groupent autour de ce centre de vé­  des palmiers.
                 gétation isolée, dépend d’un arbre bienfai­  Sans eau, la vie est impossible au désert;
                 sant : le dattier. Mais pour vivre, le dattier,   quand une source tarit, le sable reprend
                 comme le palmier, son congénère, doit     possession de son ancien domaine. Privés
                 avoir, selon le mot arabe, « le pied dans   d’eau, le dattier et le palmier périssent, et
                 l’eau et la tête dans le feu. » Pour trouver   leur disparition amène celle des cultures,
                 l’eau indispensable à la vie du dattier,   qui ne sont possibles que sous l’ombre tuté­
                 l’Arabe a, de tout temps, creusé des puits   laire de ces arbres. Les ruines éparses dans
                 en enlevant la couche de sable, et perforant   le Sahara attestent l’existence de villages
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