Page 65 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL 59
des souvenirs archéologiques, sans aucune gunes. L’Allemagne et particulièrement la
autre valeur que celle que leur accorde la Bohème, surent créer des fabriques dans les
convention ou le sentiment personnel. J’ai rap quelles les procédés des verriers vénitiens fu
porté de Venise, en 1865, deux glaces an- I rent mis en pratique, avec moins de go.ût
ciennes gravées et encadrées d’un feuillage de sans doute, mais avec infiniment plus d’éco
verre. Leurs dimensions sont médiocres, leur nomie, en raison de l’extrême bas prix de la
verre peu limpide ; mais je ne les échangerais main-d’œuvre et du combustible. Les forêts
pas pour la plus belle glace de Saint-Go de la Bohême fournissaient le bois à vil
bain. prix ; de sorte que le monopole industriel
La figure 48 représente un des spécimens de Venise fut profondément atteint dès le
les plus connus de la miroiterie de Ve xvie siècle et totalement anéanti au xvine.
nise. C’est le miroir de Henri III, qui est
placé sur la cheminée de la salle qui L’Allemagne ne fut pas seule à attirer à elle
précède la chapelle du Musée de Cluny. la fabrication des miroirs. La France parvint
Cette pièce remarquable fut donnée à Henri III à s’enrichir de la même conquête. Nous al
par le doge, pendant les fêtes que Venise lons voir, dans le chapitre suivant, les des
offrit à ce roi, à son retour de Pologne. Cette tinées qui étaient réservées dans notre pays
glace est la plus grande que l’on ait jamais à cette intéressante industrie.
pu produire par le soufflage ; mais elle est
pleine de bulles et de stries. Elle est entourée
d’une bordure en verre de couleur et en verre
blanc taillé en biseau et ornée de fleurs de
CHAPITRE VIH
lis, entremêlées de palmes, en verre taillé. I
Ces feuilles sont fixées sur la bordure par des ' LA FABRICATION DES GLACES IMPORTÉE EN FRANCE. — LA
vis de fer. FABRIQUE DE TODFM.A-VILLE. — LUCAS DE NEHOC INVENTE
LE PROCÉDÉ ACTUEL DE FABRICATION DES GLACES PAR
Du reste, Venise expédiait souvent à l’é
LE COULAGE. — ÉTABLISSEMENT DE LA FABRIQUE DE
tranger des glaces nues, que l’on montait se
SAINT-GOBAIN, PAR PRIVILÈGE ROYAL.
lon les préférences artistiques de chaque pays.
A Florence on aimait à entourer la glace Ce serait une erreur de croire que l’art du
d’une large bordure de fer damasquiné. Tel verrotier et celui du miroitier fussent entiè
est le miroir connu sous le nom de miroir de rement inconnus en France et en Allemagne
François Ier, que représente la figure 49"® pendant que Venise créait et répandait en
(page 61). La glace de Venise est appliquée i Europe ses élégants produits. On regarde
sur une bordure de fer. Deux figures en fer comme des glaces de Venise et on désigne par
ciselé et doré l’accompagnent, et d’autres ce nom tous les trumeaux qui datent d’avant
figures repoussées au marteau, encadrent les Colbert, mais beaucoup ont été fabriqués en
bords. Le fond représente un décor d’une France, et le plus grand nombre se com
riche architecture. La glace très-épaisse et posent d’une glace de Venise ornée et montée
taillée en biseau, fait saillie au milieu : elle par un miroitier français.
a 72 centimètres de long sur 62 de large. L’art de la bahuterie, de la tabletterie, de
la galnerie était éminemment français. Les
Les verreries de Venise avaient atteint, miroitiers parisiens étaient surtout renommés
au xvie et au xvne siècle, l’apogée de leur par leur habileté à encadrer les petits miroirs
gloire. A partir de ce moment, cette pré dans des meubles,cassettes, nécessaires,tables
cieuse industrie échappa à la cité des la à ouvrage, etc. Les nécessaires de toilette ont