Page 59 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                53


           aujourd’hui avec du verre, il n’en fut pas   La figure 46 représente trois miroirs égyp­
           toujours ainsi. Les premiers miroirs furent   tiens. La forme qu’ils affectaient et qui était
           composés d’un métal poli, et avant la con­  toujours la même, n’était pas indifférente.
           naissance des métaux, pendant l’enfance de   Elle rappelait le disque sacré que le bœuf
           la civilisation, l’eau avait servi de miroir à
           la coquetterie de nos ancêtres.
             Les textes hébreux nous apprennent que
           Moïse fit faire « un bassin d’airain pourvu de
           sa base (1), » avec les miroirs des femmes
           qui veillaient à la porte du tabernacle. A cette
           époque reculée, l’airain, c’est-à-dire le bronze,
           servait donc à fabriquer des miroirs quand
           on rendait sa surface brillante et polie.
             On trouve dans les tombeaux égyptiens de
           véritables miroirs de bronze. Leur forme est ;
           ronde ou ovale, et ils sont munis d’un manche
           plus ou moins ouvragé.
             Pline, qui, dans son Histoire naturelle, parle
           longuement de la renommée immense dont
           jouissait la ville de Sidon, en Phénicie, pour
           ses verreries, ajoute que c’est dans ce pays
           que furent inventés les miroirs de verre.
           Malgré le témoignage si affirmatif de Pline,
           on a longtemps contesté que les Egyptiens et
           les Phéniciens aient connu les miroirs de <
           verre ; mais des trouvailles faites de no^jours
           ont confirmé les assertions du naturaliste
           romain (2). Le Musée de Turin possède deux
           miroirs de verre trouvés dans des tombeaux         Fig. 46,. — Miroirs égyptiens.
           égyptiens. Ils sont encastrés, au moyen d’un |
           cercle de bois, dans le siège d’une petite fi­  Apis portait entre les cornes, image que l’on
           gure de terre.                            retrouve sur la tête de beaucoup de divinités
             M. Batissier dit avoir vu lui-même, en   de l’ancienne Égypte, et qui était l’emblème
           Égypte, plusieurs miroirs de verre tout sem­  ordinaire du culte de Mithra, ou du Soleil.
           blables à ceux du Musée de Turin. Ils sont
           circulaires et ont 5 à 6 centimètres de dia­  De l’Égypte les miroirs en verre passèrent
           mètre. Leur face extérieure est légèrement   en Grèce et en Italie. On ne peut mettre en
           convexe. « Ils sont, dit M. Batissier, encastrés   doute que les Grecs n’aient connu les miroirs
           à la base de figurines en terre cuite, et pro­  de verre d’après ce passage d’Aristote : « Si
           viennent des fouilles de Sakkarah. »      les métaux et les cailloux doivent être polis
             L existence de tels objets prouve suffisam­  pour servir de miroirs, le verre et le cristal
           ment que les Égyptiens consacraient le verre   ont besoin d’être doublés d’une feuille de
           à la fabrication des miroirs.             métal pour reproduire l’image du corps qu’on
             (1) Exode, ch. 38, v. 8.                leur présente. »
             (2) Batissier, Histoire de l’art monumental, p. 672.  Cependant les miroirs de verre ne parais­
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