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356 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
plus sablonneux donne à cette pâte le liant néces plus beau et de plus parfait. En vernis plombifère,
saire pour être facilement travaillée. Du sable tiré épais, de couleur verdâtre sale, recouvre ces pote
du même terrain est la matière dégraissante, lors ries très-grossières, dont la pâte est plus dense et
que le limon est trop argileux. plus cuite que celle des poteries indiennes.
«C’est sur le tour,ou plutôt sur la roue du potier, «On fait à Madagascar, comme dans le lieu que je
que les pièces sont tournées, mais dans l’ancien con viens de citer, des poteries du plus beau noir; elles
tinent seulement, et quelquefois avec beaucoup de doivent cette couleur à l’introduction, par l’extérieur,
pureté ; quelques-unes sont ornées de côtes ou go- d’une quantité considérable de matière charbonnée.
drons saillants, disposés avec assez de symétrie et de Ce qui paraît indiquer que c’est par l’extérieur,
régularité. c’est que le milieu de la pâte est moins noir que les
« En général, comme les potiers n’ont point de parois, et que celles-ci ont reçu, par un frottement
moules pour les garnitures, celles-ci, faites à la analogue au brunissage, un noir éclatant très-re
main, sont très-grossières et très-irrégulières. marquable.
« On augmente, dans l’Inde, la densité de la pâte « Le peu que nous savons de la fabrication des po
du fond des vases destinés à la cuisson du riz et des teries en Afrique nous montre que ce sont encore
autres aliments, en comprimant cette pâte au moyen des poteries grossières, faites en Égypte avec le li
d’une espèce de battoir; pour cela, on soutient le mon d’atterrissement du Nil, au Sénégal avec une
fond en dedans avec une sorte de tampon en pierre, terre rougeâtre, et donnant des vases sans vernis et
et l’on frappe en dehors avec le battoir en bois. très-peu cuits, tantôt rouges, tantôt noirs, et quel
« 11 y a presque toujours deux sortes de poteries, quefois gris, lorsqu’ils ont été à peine cuits, comme
les rouges ou brun-rouge et les noires. Il paraît, par le sont les borlasses égyptiennes.
l’aspect de la dernière et parce que j’ai appris de « Les vases et poteries qu’on a faits et qu’on fait
leur mode de fabrication, qu’elles doivent leur cou encore chez les indigènes des deux Amériques of
leur noire à un enfumage, comme les poteries de frent et la même pâte lâche, et les mêmes couleurs
Magnac, etc. dominantes, le rouge sale et le noir, et l’absence de
« Cet assortiment de poterie rouge et de poterie vernis et la cuisson faible, que nous venons de faire
noire se présente sur tous les parages de l’Inde. La remarquer chez plusieurs peuples de l’ancien
collection céramique de la manufacture royale de monde.
Sèvres possède une suite instructive d’échantillons « Ces matériaux paraissent être à peu près les mê
de ces poteries, qu’elle doit la plupart àM.J.de mes; néanmoins, la poterie de ces continents, que
Blesseville; ils viennent de Calcutta, de Pondichéry, la manufacture de Sèvres possède dans sa collec
de Chandernagor, de Trinquemalay, dans l’île de tion, ne montre pas autant de mica que celle de
Ceylan, de Java, etc.; ils offrent une similitude de l’Inde.
fabrication qui permet d’établir les généralités que «La pâteasouvent une texture très-grossière; mais
je viens de présenter. Aucun de ceux qui sont faits leur fabrication grossière, et encore plus imparfaite
suivant la méthode qu’on peut appeler indigène ne que dans l’ancien continent, présente une particu
présente de vernis plombifère; ils sont luisants par larité remarquable, qui la rend très-différente de
frottement ou par enfumage, tous assez bien tour celle des poteries asiatiques.
nés, quelques-uns garnis d’ornements, les uns « Il paraît que le tour à potier n’était connu nulle
comme sculptés, les autres évidemment imprimés part dans les deux Amériques, et qu’il ne l’est pas
avec des espèces de cachets (ceux de Trinquemalay). encore chez les potiers indigènes. Toutes les pièces,
« La pâte des poteries de Cossepaleon, près Pon ovales ou rondes, se fabriquant à la main. Le potier
dichéry, est composée d’un sable grossier, impur, en ou les femmes, quand ce sont elles qui se livrent à
partie siliceux, en partie granitique, et de limon ce travail, pétrissent, amincissent et façonnent la
argileux d’atterrissement, brunâtre et un peu mi pâte et le vase entre leurs mains. Aussi voit-on plus
cacé ! de pièces ovales ou non circulaires dans ces pays,
«Celles de Trinquemalay ont aussi pour base argi que je n’en ai vu provenant de l’ancien continent.
leuse un limon brun-rougeâtre. Au reste, il est aisé de reconnaître, sur les pièces
« Ces poteries sont à peine cuites, et il paraît qu’il rondes, qu’elles n’ont point été faites au tour. Cette
n’y a, pour cette opération, aucun four proprement remarque, et ce que j’ai pu apprendre de diverses
dit ; on les réunit en tas, et on les entoure de com personnes qui ont visité ces contrées, me permet
bustible. de présumer que le tour et la roue du potier étaient
« Les poteries de Rarigoun, à l’embouchure de absolument inconnus en Amérique et que ces ins
l’Ava, au Pégu, présentent les deux sortes de pote truments n’ont même pas été introduits, par les ar
ries désignées ci-dessus, dans toute leur perfection ; tisans européens dans les lieux éloignés des grandes,
mais ce pays semble avoir seul ressenti le voisinage villes et habités par les indigènes (1). »
de la contrée d’où est sorti, depuis des siècles, tout
ce que les arts céramiques peuvent produire de (1) Dictionnaire technologique, article Poterie.