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258 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
vaille intéressante qui a été faite de nos par M. Fillon, et publié par ce savant dans
jours, de l’atelier que l’inventeur de rustiques ses Lettres à M. de Montaiglon.
figulines avait établi non loin du palais ac
tuel des Tuileries, ainsi que nous l’avons « ... Et quant aux termes qui seront assis sur le
raconté dans sa biographie. rochier des fontaines, il y en auroit un aultre qui
seroit tout formé de quoquilles maritimes, sçavoir
Au mois de juillet 1865, en creusant pour
les deux yeux de deux quoquilles, voire tout le ré
les fondations d’une aile du palais des Tui sidu des corps... item, pour esmerveiller les hom
leries, sur la place du Carrousel, auprès delà mes, je en vouldrois faire trois ou quatre vestus et
grille même du château et de l’entrée de coiffés de modes estranges, lesquelz habillemens et
coiffures seroient de divers linges et toiles ou sub
cette grille qui est à gauche de l’arc de stances rayées, si approchants la nature qu’il n’y
triomphe, on rencontra une construction en auroit homme qui ne pensast que ce fust la même
briques. C’était un four de potier. Comme chose que l’ouvrier auroit voulu imiter... »
la tranchée devait à peine l’effleurer et qu’on
avait déjà trouvé sur d’autres points deux Dans ce curieux passage, il est question
fours sans intérêt, on aurait passé outre, des termes que Palissy devait exécuter dans
ou l’on n’y aurait donné aucune attention, la grotte du jardin des Tuileries. C’est une
si un archéologue, M. Adolphe Berty, ne preuve certaine que les moules trouvés dans
s’était trouvé là pour apprécier la portée de le four de la place du Carrousel étaient bien
la découverte qu’on venait de faire. M. Berty ceux de Bernard Palissy, et que le four lui-
suivait ces fouilles depuis leur début, afin même faisait partie de l’atelier que le potier
de compléter sa Topographie historique du de Saintes avait établi sur cet emplacement,
vieux Paris. Sachant, par la connaissance selon le désir de Catherine de Médicis.
qu’il avait de cette,partie du sol, que ce four
devait appartenir à l’époque de Catherine
de Médicis, et ayant remarqué plusieurs
briques vitrifiées par l’action du feu, il CHAPITRE XIX
pensa que le potier qui avait fait usage de LES FAÏENCES FRANÇAISES. — LA FAÏENCE DE NEVERS. —
ce four pouvait bien être celui des rustiques LES ASSIETTES RÉVOLUTIONNAIRES. — LA FAÏENCE DE
figulines, celui qu’on appelait Maître Bernard BEAUVAIS. — HISTOIRE DE LA FAÏENCE DE ROUEN. — LES
FAÏENCES DE MOUSTIERS, DE LYON, DE MARSEILLE. -
des Tuileries. M. Berty obtint que le déblaye- LES POTERIES d’oIRON.
ment fût poursuivi de manière à mettre à
découvert le four entier, et bientôt ses pré Après Bernard Palissy, mort en 1589,
visions furent justifiées. Dans l’un des deux la faïence française prit un rapide dévelop
foyers du four on trouva une douzaine de pement. L’historien De Thou affirme que,
grands moules défigurés et de divers objets, sous Henri IV, à la fin du xvie siècle, la
plantes, etc., offrant l’aspect le plus bizarre. faïence était généralement répandue en
11 y avait, entre autres moules, celui d’une France. Il ajoute qu’Henri IV créa des
sorte de monstre, dont la face et les deux manufactures de faïences à Paris, à Nevers
yeux étaient composés de coquilles; puis des et en Saintonge, et que « la faïence qu’on
étoffes rayées et grossières. fit dans ces ateliers était aussi belle que la
Ces moules étranges constituent précisé faïence que l’on tirait d’Italie. »
ment la preuve la plus palpable de leur 11 y a beaucoup d’exagération dans ce dire.
origine. Voici, en effet, ce qu’on lit dans 11 est pourtant certain que des manufactures
un manuscrit de Bernard Palissy, découvert de faïence existaient déjà sous Henri IV,
en 1861 chez un revendeur, à la Rochelle, dans plusieurs localités de la France. Le