Page 263 - Les merveilles de l'industrie T1
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258                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                   vaille intéressante qui a été faite de nos   par M. Fillon, et publié par ce savant dans
                   jours, de l’atelier que l’inventeur de rustiques   ses Lettres à M. de Montaiglon.
                   figulines avait établi non loin du palais ac­
                   tuel des Tuileries, ainsi que nous l’avons   « ... Et quant aux termes qui seront assis sur le
                   raconté dans sa biographie.               rochier des fontaines, il y en auroit un aultre qui
                                                             seroit tout formé de quoquilles maritimes, sçavoir
                     Au mois de juillet 1865, en creusant pour
                                                              les deux yeux de deux quoquilles, voire tout le ré­
                   les fondations d’une aile du palais des Tui­  sidu des corps... item, pour esmerveiller les hom­
                   leries, sur la place du Carrousel, auprès delà   mes, je en vouldrois faire trois ou quatre vestus et
                   grille même du château et de l’entrée de   coiffés de modes estranges, lesquelz habillemens et
                                                              coiffures seroient de divers linges et toiles ou sub­
                   cette grille qui est à gauche de l’arc de   stances rayées, si approchants la nature qu’il n’y
                   triomphe, on rencontra une construction en   auroit homme qui ne pensast que ce fust la même
                   briques. C’était un four de potier. Comme   chose que l’ouvrier auroit voulu imiter... »
                   la tranchée devait à peine l’effleurer et qu’on
                   avait déjà trouvé sur d’autres points deux   Dans ce curieux passage, il est question
                    fours sans intérêt, on aurait passé outre,   des termes que Palissy devait exécuter dans
                    ou l’on n’y aurait donné aucune attention,   la grotte du jardin des Tuileries. C’est une
                    si un archéologue, M. Adolphe Berty, ne   preuve certaine que les moules trouvés dans
                    s’était trouvé là pour apprécier la portée de   le four de la place du Carrousel étaient bien
                    la découverte qu’on venait de faire. M. Berty   ceux de Bernard Palissy, et que le four lui-
                    suivait ces fouilles depuis leur début, afin   même faisait partie de l’atelier que le potier
                    de compléter sa Topographie historique du   de Saintes avait établi sur cet emplacement,
                    vieux Paris. Sachant, par la connaissance   selon le désir de Catherine de Médicis.
                    qu’il avait de cette,partie du sol, que ce four
                    devait appartenir à l’époque de Catherine
                    de Médicis, et ayant remarqué plusieurs
                    briques vitrifiées par l’action du feu, il           CHAPITRE XIX
                    pensa que le potier qui avait fait usage de   LES FAÏENCES FRANÇAISES. — LA FAÏENCE DE NEVERS. —
                    ce four pouvait bien être celui des rustiques   LES ASSIETTES RÉVOLUTIONNAIRES. — LA FAÏENCE DE
                    figulines, celui qu’on appelait Maître Bernard   BEAUVAIS. — HISTOIRE DE LA FAÏENCE DE ROUEN. — LES
                                                               FAÏENCES DE MOUSTIERS, DE LYON, DE MARSEILLE. -
                    des Tuileries. M. Berty obtint que le déblaye-   LES POTERIES d’oIRON.
                    ment fût poursuivi de manière à mettre à
                    découvert le four entier, et bientôt ses pré­  Après Bernard Palissy, mort en 1589,
                    visions furent justifiées. Dans l’un des deux   la faïence française prit un rapide dévelop­
                    foyers du four on trouva une douzaine de   pement. L’historien De Thou affirme que,
                    grands moules défigurés et de divers objets,   sous Henri IV, à la fin du xvie siècle, la
                    plantes, etc., offrant l’aspect le plus bizarre.   faïence était généralement répandue en
                    11 y avait, entre autres moules, celui d’une   France. Il ajoute qu’Henri IV créa des
                    sorte de monstre, dont la face et les deux   manufactures de faïences à Paris, à Nevers
                    yeux étaient composés de coquilles; puis des   et en Saintonge, et que « la faïence qu’on
                    étoffes rayées et grossières.             fit dans ces ateliers était aussi belle que la
                      Ces moules étranges constituent précisé­  faïence que l’on tirait d’Italie. »
                    ment la preuve la plus palpable de leur     11 y a beaucoup d’exagération dans ce dire.
                    origine. Voici, en effet, ce qu’on lit dans   11 est pourtant certain que des manufactures
                    un manuscrit de Bernard Palissy, découvert   de faïence existaient déjà sous Henri IV,
                    en 1861 chez un revendeur, à la Rochelle,   dans plusieurs localités de la France. Le
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