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260 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
lre époque, de 1602 à 1670, tradition ita sentences et pensées d’amour ou de beuverie,
lienne ; cultivaient surtout l’inscription patriotique.
2e époque, vers 1640, imitation persane; M. Champfleury, aujourd’hui conservateur
3e époque, de 1640 à 1750, imitation de du Musée céramique de Sèvres, a publié la
chinoiseries hollandaises; description d’assiettes de Nevers dont la
4e époque, de 1750 à 1810, franco-niver- fabrication appartient à l’époque de notre
naise, ou populaire, ou patriotique républi première Révolution, et qui portent des
caine, à partir de 1789 (1). inscriptions démocratiques très-variées. En
Dans la première époque établie par voici quelques-unes :
M. Demmin (celle de la tradition italienne),
Aimons-nous tous comme frères. 1793.
la faïence de Nevers est quelquefois supé
rieure, sous le rapport du coloris, aux pro- Une autre assiette porte :
ductionsd’Italie, aussi bien dans le camaïeu ,
Ah! ça ira.
bleu que dans le polychrome. Le dessin
est relâché, mais moins surchargé d’ocre, le Une troisième, où l’on voit un prêtre
jaune plus pâle et plus doux. et un noble se donner la main, a pour lé
gende :
« L’amateur, dit M. Demmin, reconnaîtra les bel- '
les pièces de la première époque à ce signe que les Le malheur nous réunit.
figures du décor y sont ordinairement en jaune sur
fi.nd bleu, tandis que les peintres italiens ont le plus Puis, la note révolutionnaire s’accen
souvent peint leurs figures en bleu sur fond jaune. tue :
Nevers n’a jamais employé les couleurs rouges. »
Vivre libre ou mourir !
Nous n’avons rien à noter sur la deuxième
Et ailleurs :
et la troisième époque que M. Demmin dis
tingue dans l’histoire de la faïence niver- Dansons la carmagnole, vive la carmagnole !
naise, mais la quatrième présente quelques 1793.
détails curieux.
On a vu que cette période embrasse de Un enfant bourre un canon avec des
l’année 1750 à 1810. Tous les amateurs de personnages. Pour que le sens du dessin
faïence de Nevers savent que ces faïences, soit bien compris, la légende porte :
outre le caractère propre de leur ornemen
Je bourre les aristocrates.
tation bizarre et de leur coloration où do
mine le bleu sur un fond blanc, se font Il y avait à Nevers des faïenciers réaction
quelquefois remarquer par un luxe d’inscrip naires, ou, selon le langage du temps, aristo
tions d’une poésie qui ne brille ni par les crates. Ceux-ci mettent sur leurs assiettes :
rimes ni par l’esprit. Les assiettes et les
Vive le roi citoyen !
grands saladiers de Nevers sont couverts
de ces inscriptions rimées. Nous renvoyons D’autres :
à l’ouvrage de M. Demmin, Guide de l'a
Les lis ramènent la paix.
mateur (2), pour les curieux échantillons de
cette poésie de potier. Mais des céramistes plus avancés en poli
A l’époque de la Révolution, les potiers tique leur donnent la réplique. Ils repré
nivernais, au lieu d’orner leurs assiettes de sentent Louis XVI jouant au piquet avec un
(1) Tome I, page 450. sans-culotte ; et voici l’inscription qui ac
(2) Tomel. pages 460-463. compagne le dessin :