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252 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
d’années, est trouvé. Les poteries émaillées, avec l’oxyde d’étain, Palissy moulait les
les rustiques figulines, comme les appela le siens et les vernissait avec l’oxyde de
potier de Saintes, vont donner à leur auteur plomb. Comme le fait remarquer M. Dem-
la gloire et les richesses. Palissy a trouvé min, c’est à cause de cette facilité de mou
l’art d’émailler les faïences, art ignoré en lage que les œuvres de Palissy se répètent
et manquent de variété. Ses moules, vendus
après sa mort servirent à de continuelles re
productions de ses œuvres.
M. Brongniart caractérise en ces termes
les faïences de Palissy :
« Ces poteries, dit l’illustre céramiste, ont un style
particulier et des qualités qui leur sont tout à fait
propres. Les formes du nu sont en général assez
pures. Il n’y a point ou presque point de peinture
proprement dite, c’est-à-dire de peinture à plat, à
couleurs nuancées; que ce soient des ornements, des
représentations d’objets naturels ou même des su
jets historiques, mythologiques et allégoriques, ce
sont toujours des reliefs colorés (1). L’émail est dur
et a beaucoup d’éclat; mais on y remarque sou
vent une multitude de petites tressaillures. Les
couleurs sont généralement vives, mais peu va
riées; elles se bornent au blanc jaunâtre. Palissy
n’est jamais arrivé à la blancheur éclatante de
Lucca délia Robbia, et cependant c’est ce blanc qui a
été l’objet de ses plus persévérantes recherches. Les
pièces à fond blanc qu’il a faites sont rares. Il fai
sait un jaune assez pur, un jaune d’ocre, un beau
bleu indigo et un bleu grisâtre On y voit encore le
Fig. 197. — Bernard Palissy.
vert émeraude par le cuivre et un vert jaunâtre, le
violet manganèse et un brun violâtre. »
France, et il va appliquer son génie d’artiste
à orner ces poteries des vives couleurs des Il paraît que Palissy faisait usage de
émaux. deux émaux , l’un plus dur, l’autre plus
A partir de cette époque, les procédés tech transparent, plus jaunâtre et beaucoup plus
niques trouvés par le potier de la Saintonge tendre.
avaient atteint le degré de perfection qui Les objets naturels qui sont placés sur
rend possible l’intervention de l’art. ses pièces sont très-vrais de forme et de
Le plat à reptiles que nous avons représenté couleur, car, à l’exception des feuillages,
plus haut (fig. 196) est un véritable Palissy. ils ont été moulés sur nature (nous verrons
Il appartient à la collection Sauvageot, qui
fait aujourd’hui partie du Musée du Louvre. (1) Cependant Alexandre Lenoir, fondateur et conser
Il faut se hâter de dire, en effet, qu'il vateur du Musée des monuments français de 1791, dit
qu’il y avait au château d’Écouen deux tableaux en faïence
existe beaucoup de faux Palissy. La ma
représentant des batailles. Ces tableaux de faïence donnés
nière de travailler du potier de Saintes a et exécutés par Bernard Palissy servaient, dit Lenoir, à
paver la chapelle. Ce sont les seuls exemples cités de ce
contribué à faciliter le trafic qui s’est fait
genre de peinture, et M. Brongniart s’étonne à juste titre
sur ses productions. Pendant que les céra que des tableaux de bataille aient pu servir à paver la cha
mistes de Nuremberg modelaient à la main pelle, ce pavement était composé de petits carreaux enri
chis d’ornements incrustés et couverts d’un émail assez
chacun de leurs ouvrages et les émaillaient dur.