Page 446 - Les fables de Lafontaine
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442         FABLES. — LIVRE ONZIÈME

        être porté trop loin la prévoyance de ce hibou ; car je ne prétends pas
        établir dans les bêtes un progrès de raisonnement tel que celui-ci ; mais
        ces exagérations sont permises à la poésie, surtout dans la manière d’écrire
        dont je me sers.
         Exercice complémentaire. — Lettre à La Fontaine où vous
        discutez ses idées sur l'intelligence des animaux^ en vous appuyant
        sur des exemples.



                           ÉPILOGUE

         Source. — L’épilogue des Géorgiques de Virgile.
         Intérêt. — Quand il écrivit cet épilogue, en 1679, comme quand
        il écrivit l’épilogue au livre VI en 1668, La Fontaine pensait bien
        mettre le point final à son œuvre de fabuliste. En fait, il revint
        à la fable pour publier son troisième recueil, qui est le livre XII
        (1694). Les deux épilogues sont de tons très différents : le premier
        exprime simplement le désir d’un auteur de « borner sa carrière »
        dans la fable pour passer à d’autres sujets que, au fond de lui-
        même, il estime peut-être plus propres à lui valoir la gloire. Mais
        la gloire, une gloire éclatante, lui est venue précisément par ses
        fables, et, maintenant, La Fontaine jette un coup d’œil satisfait
        sur l’ensemble de son œuvre qu’il résume et caractérise ; il finit en
        invitant ses imitateurs à poursuivre une carrière si bien ouverte.
        Le ton est d’un homme qui a de bonnes raisons de n’être pas mé­
        content de soi.
        C’est ainsi que ma Muse *, aux bords d’une onde pure1,
               Traduisait en langue * des dieux
               Tout ce que disent sous les cieux
        Tant d’êtres empruntant la voix de la nature2.
               Truchement * de peuples * divers,       5
        Je les faisais servir d’acteurs en mon ouvrage.
               Car tout parle .dans l’univers,
               Il n’est rien qui n’ait son langage.
       Plus éloquents chez eux 3 qu’ils ne sont dans mes vers.
         1. Détail qui caractérise le décor de nature propre aux fables et le
        goût du poète pour la solitude (cf. XI, 4, 18-40). — 2. C’est-à-dire,
        parlant en leur langage naturel, cris, gazouillements, etc. — 3. Eux
       renvoie à rien (v. 9) et à tout (v. 7), par syllepse, 24, j.
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