Page 401 - Les fables de Lafontaine
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LA TORTUE ET LES DEUX CANARDS         397

         Nous vous voiturerons * par l’air, en Amérique. '
                Vous verrez mainte république,          io
         Maint royaume, maint peuple, et vous profiterez
         Des différentes mœurs que vous remarquerez.
         Ulysse * en fit autant. » On ne s’attendait guère
                De voir Ulysse en cette affaire.
         La Tortue écouta * la proposition.             15
         Marché fait. Les oiseaux fqrgent * une machine *
                Pour transporter là pèlerine *.
         Dans la gueule, en travers, on lui passe un bâton.
         « Serrez bien, dirent-ils ; gardez * de lâcher prise! »
         Puis, chaque canard prend ce bâton par un bout.   20
         La Tortue enlevée, on s’étonne partout
                De voir aller en cette guise *
                L’animal lent et sa maison,
         Justement * au milieu de l’un et l’autre oison *.
         « Miracle! criait-on. Venez voir, dans les nues,   25
                Passer la Reine des tortues!
         — La Reine ? vraiment oui, je la 4 suis en effet * ;
         Ne vous en moquez point! » Elle eût beaucoup mieux fait
         De passer son chemin sans dire aucune chose,
         Car,, lâchant le bâton en desserrant les dents,   30
         Elle tombe, elle crève * aux pieds des regardants *.
         Son indiscrétion * de sa perte fut cause.

         Imprudence, babil, et sotte vanité,
                Et vaine curiosité,
                Ont ensemble étroit parentage * :       35
                Ce sont enfants tous d’un lignage *.

           Exercice complémentaire. — Réflexions des deux Canards,
         après la chute de la Tortue.







           4. Accord, 29, a.
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