Page 231 - La Lecture Expressive
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             Lecture               111. Une  mère

              Mme  des  Arcis  revient en voiture  d'un  bal  d'enfants  où elle  a  conduit sa
            fillette  Camille.  Il  lui  faut  traverser  la  rivière  qui  a  débordé.  Elle  insiste
            auprès  du  passeur,  qui  consent enfin  à  prendre la voiture  dans son  bateau.
            Mais,  malgré  les  efforts  du  passeur et du  cocher,  le bateau ne  peut gagner
            la 1·ive,  et le  courant le  pousse vers  l'écluse.
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             1.  A  mesure  que  le  bruit de  l'écluse  se  rapprochait,  le  danger
          devenait plus effrayant.
            Mme  des  Arcis,  qui  était  restée  dans  la  voiture  avec  l'enfant,
          ouvrit la glace avec une terreur affreuse.
            « Est-ce que nous sommes perdus ? » s'écria-t-elle.
            2.  En  ce  moment,  la  perche  se  rompit.  Les  deux  hommes
          tombèrent dans le bateau, épuisés et les mains meurtries.
            Le  passeur savait nager,  mais non le cocher.  Il  n'y avait pas  de
          temps à perdre.
            c<  Père Georgeot, dit Mme des Arcis au passeur (c'était son  nom),
          peux-tu sauver ma fille  et moi ? »
            Le père Georgeot jeta un  coup  d'œil  sur l'eau, puis sur la rive :
          <<  Certainement, répondit-il en haussant les épaules.
            -  Que faut-il  faire  ?  dit Mme  des Arcis.
            -  Vous mettre sur mes épaules,  répliqua le  passeur.  Empoignez-
          moi  2  le cou à deux bras, mais n'ayez pas peur, et ne vous cramponnez
          pas  ,  nous serions  noyés, ne  criez  pas,  ça  vous  ferait  boire.  Quant
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          à  la  petite,  je la  prendrai  d'une  main  par  la  taille,  je nagerai  de
          l'autre ...
            -  Et Jean ? dit Mme des Arcis, désignant le cocher.
            -  Jean boira un coup,  mais il  en reviendra.  Qu'il aille à l'écluse
          et qu'il  attende.  Je le  retrouverai. »
            3.  Le  père Georgeot  s'élança  dans  l'eau,  chargé  de son  double
          fardeau. Mais il n'était plus jeune, tant s'en fallait.
            La rive était plus loin qu'il ne disait, et le  courant plus fort qu'il
          ne  l'avait  pensé.  Il  fit  cependant  tout  ce  qu'il  put  pour arriver à
          terre, mais bientôt il  fut entrainé. Le tronc d'un saule, couvert par
          l'eau et qu'il ne pouvait voir dans les ténèbres, l'arrêta tout à coup;
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