Page 80 - Vincent_Delavouet
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Lorsque ces arbres abattus sont dirigés au bord d’un lac,
                on organise des trains de bois. Que l’on se figure un
                immense encadrement d’arbres, reliés par des chaînes et dont
                l’intérieur est garni d’autres arbres serrés les uns contre les
                autres et maintenus par ce cadre. Que l’on trouve une rivière
                au bout du lac, une simple chaîne défaite permet à tout le
                bois encadré de filer à la queue leu leu comme il est dit
                précédemment, et l’encadrement, remorqué habituellement
                par un vapeur, vient rechercher de nouveaux bois au rivage.
                  Ce sont principalement des Canadiens français qui sont
                chargés de ces travaux, qui demandent une habileté peu com­
                mune, et une adresse merveilleuse, pour éviter les accidents
                ou les fausses manœuvres.
                  Il arrive que souvent ces piles de bois font ainsi trois et
                quatre cents kilomètres par eau !
                  Lorsque ces arbres arrivent devant la scierie de la Compa­
                gnie qui doit les employer, voici comment on arrête leur
                cours vagabondât que l’on reconnaît à qui la pile appartient.
                  Devant chaque exploitation, il existe un chenal resserré
                où la pile doit fatalement passer. Ralentie par un freinage
                spécial, il est aisé de voir les lettres ou chiffres qui sont
                marqués sur chacune des pièces. Si la pièce de bois appar­
                tient à cette usine, elle est dirigée sur un warf où des grues
                paissantes la soulèvent de l’eau. Si, au contraire, l’arbre doit
                continuer son chemin, il est repoussé dans le milieu du courant
                de la rivière.
                  Ces arbres appartiennent, pour la plupart, à l’espèce du
                pin rouge; ils sont sciés dans la forêt même à une longueur
                de 4 à 5 mètres. J’ai vu de ces arbres atteindre jèsqu’à
                2 mètres de diamètre, puisque, étant à terre, je me
                trouvais entièrement caché derrière.
                  On exploite aussi le cèdre, mais ce sont les Compagnies de
                chemin de fer, pour leurs traverses ou encore pour remplacer
                la tuile ou l’ardoise. C’est un bois très résistant qui peut
                également faire d’excellents pilotis, puisqu’il durcit dans
                l’eau et ne se pourrit pas.
                  On emploie beaucoup de Chinois comme manœuvres,
                mais ils ne peuvent être utilisés que pour les gros ouvrages
                n’exigeant aucune adresse ; c’est pour cela qu’ils ne sont
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