Page 118 - Vincent_Delavouet
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environs et même je m’éloignais pendant quelques jours
lorsque je savais que la paye de la quinzaine des ouvriers
devait avoir lieu.
Donc, dans le courant de 1917, je me trouvai certain jour
dans le nord de l’Ontario, dans une fabrique de pâte à papier,
au moment de la paye du personnel. J’y étais connu ; on me
confiait des montres à réparer, que je rapportais ensuite,
tout en vendant ma bijouterie. Cette fabrique occupait
trois mille ouvriers.
Un de ces ouvriers m’avait déjà parlé de m’acheter une
montre avec sa chaîne en or, mais voulait avoir les fonds
nécessaires pour m’en payer le montant.
Cette fois, il était bien décidé; je lui donnai rendez-vous
pour lui porter son acquisition ’chez lui le lendemain
matin, à dix heures.
Me voici donc, le lendemain, une valise à chaque main,
me dirigeant à ce rendez-vous, quand au coin d’une rue de
cette ville (Iroquoy fold) je me trouve tout à coup en pré
sence d’un individu dont la figure était dissimulée sous un
foulard rouge et qui me commanda, en braquant contre moi
son revolver, de « mettre les mains en l’air ».
Stupéfait de cette brusque attaque, je lâchai du coup mes
deux valises et instinctivement cherchai à m’emparer de
l’arme de mon agresseur.
Le browning lui fut arraché de la main, mais, malheureu
sement pour moi, le coup partit en même temps et une balle
vint me transpercer le doigt de la main gauche !
Pendant ce temps, mon agresseur prenait la fuite et,
malgré mes appels, ne put être rejoint, car un bois se trou
vait à proximité.
J’héritai donc du revolver que je mis en poche, retournai
à l’hôtel, puis allai me faire panser sommairement à l’hôpital,
où je retournai l’après-midi et où l’on fut obligé de me couper
ce doigt qui ne tenait plus que par les chairs. Au bout de
quatre jours de repos, je me trouvai en mesure de pouvoir
revenir à Cobalt.
Malgré cette blessure qui pouvait être mortelle, un
mois après, je recommençais mes tournées, comme si rien ne
s’était passé.