Page 746 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE SOUFRE ET L’ACIDE SULFURIQUE.                            743


         été obtenu en distillant la pyrite de fer.   du spiritus (esprit ou vapeur) qui prend
         Le premier acide sulfurique que la science   naissance lorsqu’on chauffe fortement l’alun
         ait eu entre les mains, est précisément cet   en vase clos. Geber dit que ce liquide
         acide sulfurique anhydre, cet acide de Nord­  acide possède une force dissolvante considé­
         hausen, dont nous venons de décrire la pré­  rable. Comme l’alun (sulfate d’alumine et
         paration et les propriétés. Du xn ie auxvn' siè­  de potasse), calciné en vase clos, laisse dé­
         cle, on ne connut que cet acide anhydre, qui   gager de l’acide sulfurique et de l’acide
         était alors baptisé des noms les plus bizar­  sulfureux, en donnant pour résidu de l’alu­
         res, et en harmonie avec la nomenclature   mine et de la potasse, on peut être certain
         fantaisiste et les idées hétéroclites des chi­  que le produit dont parle Geber était l’acide
         mistes de ce temps, en d’autres termes des   sulfurique anhydre, Yacide de Nordhausen.
         alchimistes. Ce ne fut qu’au xvne siècle    L’encyclopédiste du xiue siècle, Vincent
         qu’Angelo Sala réussit à fabriquer cet acide,   de Beauvais, dans son ouvrage intitulé Mi­
         au moyen de la combustion du soufre, au­  roir de la science (Spéculum doctrinale'), rap­
         quel plus tard on adjoignit du nitre, et que   porte le même phénomène que Geber avait
         l’on finit par fabriquer en grand dans des   signalé, et en parlant des dissolvants des corps
         chambres de plomb.                        (solutiva corporum), il décrit très-bien les
           L’identité de ces deux produits fut assez   propriétés dissolvantes énergiques du li­
         longtemps méconnue; bien peu de person­   quide acide que l’on obtient par la distilla­
         nes se doutaient que Yesprit ou l’huile de vi­  tion de l’alun.
         triol des alchimistes fût la même substance   A la même époque, Albert le Grand,
         que l’acide des chambres de plomb, que l’on   dans son ouvrage de Mineralibus, fait men­
         appelait alors acide anglais. Angelo Sala le   tion d’un spiritus vitrioli romani, qui ne
         soupçonnait, et Robert Boy le rendit un grand   peut être que l’acide sulfurique.
         service à la science et à l’industrie en dé­  Au xvic siècle, Basile Valentin décrivit,
         montrant l’identité de ces deux acides.   le premier, d’une manière satisfaisante,
           Voilà ce que les écrivains modernes n’ont   la préparation de l’acide sulfurique par la
         pas bien compris, et ce qui rend, entre leurs   distillation du vitriol.
         mains, l'histoire de l’acide sulfurique si   Mais l’écrivain alchimiste qui a le mieux
         obscure. Nous avons donné plus haut l’his­  et le plus clairement exposé la préparation
         toire de la découverte et des perfectionne­  de l’acide sulfurique, est le célèbre auteur
         ments de Y acide sulfurique anglais, c’est-à-   du Currus triumphalis antimonii, le moine
         dire obtenu par la combustion du soufre    Basile Valentin.Dans son ouvrage intitulé Pu­
         dans les chambres de plomb; il nous reste   blication des procédés inconnus, Basile Valen­
         à donner l’histoire de l’acide provenant de la   tin donne une description exacte du procédé
         distillation des sulfates. Le trait d’union entre   de préparation de ce produit, que l’on obte­
         ces deux historiques se fera de lui-même.  nait, auxve siècle, non par la distillation de
                                                    l’alun, comme l’avaient enseigné Geber et
            La première mention de l’acide sulfuri­  Vincent de Beauvais, mais parla distillation
          que se trouve, chose étrange, dans l’auteur   du sulfate de fer, additionné de sable (silice).
          et expérimentateur arabe qui, selon nous,   Ajoutons qu’à nos yeux, l’addition de
          est le véritable père de la chimie, c’est-à-   silice, que l’on supprime aujourd’hui, de­
          dire dans Geber. Dans son Alchimia, qui   vait être très-utile. En effet, l’acide silicique
          fut composée au vme siècle après Jésus-   décomposait le sulfate de fer, et provoquait
          Christ, Geber parle, quoique vaguement,   la séparation de l’acide sulfurique à une
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