Page 723 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE SOUFRE ET L’ACIDE SULFURIQUE.                             719


                                                 part de l’industrie de la fabrication de l’a­
                                                 cide sulfurique.
                  CHAPITRE VIH
                                                   Au commencement du xvif siècle, An­
      l’acide SULFURIQUE. — HISTOIRE DE SA FABRICATION. —
                                                 gélus Sala, chimiste et médecin originaire
        THÉORIE DE LA FORMATION DE L’ACIDE SÜLFÜBIQÜB PAR
                                                 d’Italie, mais qui passa toute sa vie en Alle­
        LA RÉACTION MUTUELLE DE L’ACIDE SULFUREUX ET DE
                                                 magne, ayant reconnu que, dans l’expé­
        l’acide HYPOAZOTIQUE.
                                                rience que nous venons de décrire, c’est-
        Le plus puissant de tous les acides con­  à-dire la combustion du soufre dans un vase
      nus, celui qui sert à la préparation de tous   humide, il se produit de l’acide sulfurique,
      les autres acides, soit minéraux, soit orga­  prépara par ce moyen de l’acide sulfurique,
      niques, l’agent auquel la plupart des indus­  que l’on appelait alors esprit de soufre, et
      tries ont recours pour leurs diverses opéra­  que les chimistes ou alchimistes du Moyen
      tions, celui qui sert à la préparation de la   âge n’avaient obtenu jusque-là qu’avec beau­
      soude artificielle, de l’alun, du chlore, du   coup de peine et en très-petite quantité, en
      phosphore, des eaux minérales gazeuses ar­  distillant en vases clos la couperose verte
      tificielles, des bougies stéariques, etc., etc.,   (notre sulfate de fer). Angélus Sala faisait
      — est le résultat de la suroxydation de l'a­  brûler du soufre sous des cloches de verre,
      cide sulfureux. En effet, ajoutez à l’acide   puis il concentrait par l’évaporation, l’eau
      sulfureux (SO2) un équivalent d’oxygène, et   qui s’était ainsi chargée d’esprit de soufre.
      vous aurez l’acide sulfurique (SO3) qui,   Aussi appelait-on ce produit esprit de soufre
      s’unissant à une certaine quantité d’eau,   ou huile de soufre par la cloche (spiritus sul-
      sans changer toutefois de nature, constitue   funs ou oleum sulfuris per campananip
      l’acide sulfurique hydraté (SO3,2HO).        Ceprocédé élémentaire fut singulièrement
        Une expérience que chacun peut exécu­   perfectionné par deux chimistes français,
      ter, met, pour ainsi dire, sous les yeux, la   Nicolas Lefèvre et Nicolas Lémery. Sur leur
      formation de l’acide sulfurique, au moyen du   conseil, on ajouta au soufre une certaine
      gaz acide sulfureux et de l’oxygène. Sur une   quantité de nitre (azotate de potasse).
      assiette recouverte d’un peu d’eau placez    Cette addition du nitre au soufre était toute
      une petite coupelle de terre contenant un   une révolution dans l’industrie naissante de
      morceau de soufre ; enflammez ce soufre, et   l’acide sulfurique. Elle ne servit pas seule­
      recouvrez-le, pendant qu’il brûle, d’une   ment, comme on le croyait, à activer la
      cloche de verre. Le gaz acide sulfureux pro­  combustion du soufre dans la capsule de
      venant de la combustion du soufre, se dis­  terre, elle hâta, dans une proportion extra­
      soudra dans l’eau que contient l’assiette, et   ordinaire, la transformation de l’acide sul­
       l’on aura, dans les premiers moments, une   fureux en acide sulfurique.
      simple dissolution aqueuse d’acide sulfu­    C’est ce qui fut reconnu lorsqu’une fa­
       reux. Mais abandonnez pendant quelque     brique A'huile de vitriol,comme on l’appelait
       temps les choses en cet état, et vous verrez   alors, fut établie àRichemond, près de Lon­
       l’acide sulfureux, absorbant peu à peu l’oxy­  dres, par un chimiste industriel, nommé
       gène de l’air de la cloche, se transformer   Ward. Les cloches dont on avait fait usage
      totalement, au bout de quelques jours, en   jusque-là pour y faire brûler le soufre en pré­
      acide sulfurique.                          sence de l’air, étaient remplacées par d’énor­
         Cette expérience si simple et qui met si   mes ballons de la capacité de plus de 230 li­
       bien en évidence la provenance chimique   tres. Ces ballons présentaient, à leur partie
       de l’acide sulfurique, a été le point de dé­  latérale, une ouverture, que l’on bouchait
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