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720 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
avec un tampon de bois. Les ballons, conte sur la fabrication était considérable, puis
nant une certaine quantité d’eau, étaient que le prix de Vacide anglais descendit à 50
placés sur deux rangs, dans un long bain de centimes le kilogramme.
sable, que l’on chauffait légèrement. Dans En France, la première chambre de
chaque col, ou ouverture du ballon, était une plomb pour la préparation de Yacide anglais
brique. Un ouvrier déposait sur cette brique fut établie à Rouen. Cette importation du
une cuiller de fer rougie au feu, remplie d’un procédé de Roebuck et Garbett était due à
mélange de soufre et de nitre ; il bouchait un Anglais nommé Holker.
aussitôt l’ouverture du ballon avec le tampon Ce Holker n’était pas un homme ordi
de bois, et passait au ballon suivant, qu’il naire. Il était attaché à la famille et à la
chargeait de la même manière du mélange cause des Stuarts, et il avait longtemps com
de soufre et de nitre. Il chargeait tous les battu près de son roi, en Écosse. Fait pri
ballons successivement, et revenait ainsi à sonnier par les troupes de Cromwell, il fut
son point de départ. Là, il recommençait la condamné à mort. Ayant heureusement
même opération, et était ainsi occupé sans réussi à s’évader, la veille même du jour
cesse à introduire dans les ballons le mé fixé pour son exécution, il s’était réfugié en
lange combustible, au furet à mesure que la France. Là, il avait pris du service et était
combustion était opérée dans chaque ballon. entré dans un régiment irlandais. Il avait en
L’acide sulfurique provenant de la transfor suite quitté le service militaire, pourfaire pro
mation de l’acide sulfureux se condensait fiter les établissements français des procédés
dans l’eau du ballon. Au bout de quelques et perfectionnements de l’industrie anglaise.
jours on réunissait tous ces liquides, et on Naturalisé Français par Louis XV, nommé
les évaporait dans des chaudières de plomb. inspecteur général des manufactures, Holker
Ce procédé pour la préparation de Y huile alla s’établir à Rouen, où il créa des filatures
de soufre par la cloche permit de réduire de coton et des fabriques de tissus, parti
beaucoup le prix de cet acide : de 33 francs culièrement de velours de coton, étoffe alors
le kilogramme, qu’il valait en Angleterre, il inconnue en France. Il avait créé de pareils
descendit au prix de 6 francs. établissements à Sens, à Montargis et à Mon-
En 1746, un autre et remarquable perfec tereau.
tionnement fut introduit dans la préparation Décidé à faire jouir la France du nouveau
de Y acide anglais. Deux industriels, Roebuck procédé de la fabrication de l’huile de vi
et Garbett, remplacèrent les ballons de verre triol dans les chambres de plomb, Holker
de Ward par des chambres, composées par ne craignit pas, quoique toujours sous le
l’assemblage de grandes lames de plomb : coup d’une condamnation capitale, de re
soudées les unes aux autres et formant une tourner en Angleterre, pour s’initier au pro
très-vaste enceinte. On plaçait sur un cédé de fabrication de cet acide. Il prit le
chariot posé sur les rails d’un petit chemin costume d’un ouvrier, et s’introduisit dans la
de fer, une large capsule en tôle, dans la- , manufacture de Rœbuck et Garbett. Il y tra
quelle brûlait le mélange de soufre et de ni vailla un certain temps, puis il revint à
tre, et on poussait le chariot au milieu de la Rouen, en 1766, avec quelques ouvriers an
chambre de plomb. glais qu’il avait embauchés, et il établit au
C’est à Birmingham, et suivant d’autres à faubourg Saint-Séver, une fabrique d’acide
Prestonpans, en Écosse, que Roebuck et sulfurique par le système des chambres de
Garbett établirent leur première chambre de plomb. Cette première fabrique en fit créer
plomb. L’économie réalisée par ce moyen beaucoup d’autres en France.