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676 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
de juillet allaient-ils répétant, dans les jour rier, de Ilume, de Brougham, de Cobden,
naux et dans les brochures, que l’impôt du de Porter, etc.
sel faisait peser sur les classes laborieuses Le gouvernement fit d’abord consacrer,
une charge hors de proportion avec leurs par une ordonnance du 26 février 1846, la
ressources, — qu’il ruinait la grande pêche réduction à 5 centimes par kilogramme de
et la pêche côtière, — qu’il était contraire la taxe sur les sels destinés à l’alimentation
aux intérêts de l’agriculture, — qu’il ne des bestiaux.
rappelait que trop la désastreuse adminis Cette solution ne satisfit qu’imparfaite-
tration des gabelles, — et qu’il devait dispa ment les opposants. On faisait remarquer
raître, comme toutes les taxes qui frappent que la réduction subordonnée à un mélange
le prolétaire et l’ouvrier. de 5 litres d’eau et de 40 kilogrammes de
Les conseils généraux obéissaient, malgré son pour 5 kilogrammes de sel, ou de 10 li
eux, à cette impulsion. Les vœux de ces as tres d’eau, 4 kilogrammes de tourteaux de
semblées en faveur de la réduction de graines oléagineuses, et 40 kilogrammes de
l’impôt du sel, devinrent chaque année son pour 10 kilogrammes de sel, était illu
plus nombreux, plus impératifs. Ils furent soire, car le mélange aurait coûté, en frais
reproduits par les conseils supérieurs de de transport seulement, beaucoup plus cher
l’agriculture et du commerce, par les so que l’impôt. L’ordonnance, loin d’apaiser
ciétés d’agriculture et par les comices agri les plaintes de l’agriculture, ne fit donc que
coles. constater une fois de plus les inconvénients
Sous une telle pression, le gouvernement des demi-mesures.
pensa qu’il n’était plus permis de refuser Le projet de réduction de l’impôt, porté, le
une satisfaction si universellement récla 21 avril 1846, devant la Chambre des dépu
mée. tés, fut vivement appuyé, dans les séances des
Un député du Doubs, M. Demesmay, 21, 22 et 23, par MM. Demesmay, Dessau
était le chef de cette croisade. M. De ret, de Tracy, Talabot, Taye, de Golbéry,
mesmay avait proposé, en 1845, de réduire la Rochejacquelein, Glais-Bizoin, Luneau,
l’impôt de 30 centimes à 20 centimes; mais Pouillet, Genty de Bussy, et surtout par La
on demanda une réduction plus large, et la martine, qui, s’appuyant sur l’autorité de
commission, composée de MM. Dessauret, Magendie et de Raspail, s’écria : « Le sel
Lacrosse, comte Thiard, Luneau, Ternaux- fait partie de l’économie humaine ; l'impo
Compans, marquis de la Rochejacquelein, ser, c’est comme si on imposait le sang
Lahaye, Jousselin et de Golbéry, proposa, et les nerfs de l’homme ! »
dans son rapport du 24 juin 4845, de ré Dans la séance du23 avril 1846, la Cham
duire l’impôt du sel à 10 centimes le kilo bre vota la réduction de l’impôt à 10 cen
gramme. times par kilogramme de sel destiné à la
Dans l’intervalle des deux sessions, ,M. De consommation publique.
mesmay publia, en faveur de sa proposition, Tout n’était pas fini : les agitateurs po
plusieurs écrits, dans lesquels il invoquait, en litiques, se plaignant de n’avoir obtenu
faveur de la réduction, l’opinion des hom qu’une demi-satisfaction, reprirent l’offen
mes dont l’autorité devait faire le plus d’im sive. On réclamait, non plus une réduction,
pression sur la Chambre. Aux témoignages mais l’abolition entière de l’impôt.
de Sully, de Vauban, de Buffon, de Turgot, Sous l’influence de cette nouvelle agita-
de Necker, de l’abbé Maury, de Say, etc., tion,de nombreuses pétitions furent adressées
il ajoutait ceux de Chaptal, de Casimir Pé- aux Chambres, pour réclamer l’entière fran