Page 681 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL.                                677

           chise de l’impôt du sel. Le gouvernement   45 centimes le fut d’une manière autrement
           résolut alors de soumettre la question à une   sérieuse : il enterra la république de 1848.
           enquête. Au mois de janvier 1848, les       Cependant, comme la raison finit toujours
           chambres de commerce reçurent un ques­    par prévaloir, il fallut, en présence des défi­
           tionnaire, pour savoir s’il était opportun   cits du budget républicain, revenir à la taxe
           de retrancher les deux tiers des droits   du sel. L’année 1848 n’était pas écoulée que
           établis.                                  l’Assemblée nationale rétablissait cet impôt,
                                                     en le réduisant, toutefois, à 10 centimes par
            « La gravité des manifestations, disait le question­  kilogramme, au lieu de 30 centimes, comme
           naire, doit attirer toute la sollicitude du gouverne­
           ment. Sans doute, c’est pour lui un devoir de ré­  il avait été perçu sous la Restauration et
           sister aux entraînements les plus honorables, mais   sous le règne de Louis-Philippe.
          c’est également son devoir de connaître et de consta­
           ter l’opinion publique, et de concilier, si cela est
                                                       Ce taux raisonnable fut maintenu pen­
           possible, avec la réalisation des vœux qu’il doit res­
           pecter, l’intérêt de l’Etat qu’il doit défendre. »  dant toute la durée du règne de Napoléon 111.
                                                     Il ne souleva jamais aucune plainte, car on
             Le questionnaire rédigé par le gouverne­  comprenait qu’il faut que l’impôt frappe
           ment du roi posait avec une bonne foi par­  quelque chose, et qu’il n’est pas possible de
           faite, tous les problèmes que pouvait sou­  trouver une charge plus légère, plus légi­
           lever le maintien ou l’abaissement des droits   time, que celle qui ne grève chaque contri­
           sur le sel.                               buable que d’une taxe annuelle de 1 fr. 60.
             L’enquête était commencée, et sur tous   Mais la question du sel a toujours le privi­
           les points du territoire français les conseils   lège d’émouvoir les esprits. Elle se réveilla
           généraux, les chambres de commerce, les   à la fin du second empire. Seulement, il ne
           propriétaires des mines et des marais salants,   s’agissait plus, cette fois, des intérêts du pu­
           se mettaient en mesure d’y répondre, lors-   blic. La difficulté avait pris naissance à
           qu’arriva la révolution de février 1848.  propos de la rivalité qui existe entre nos sa­
             Le gouvernement sorti de l’émeute de fé­  lines de l’Ouest et celles du Midi. Nos sa­
           vrier n’eut pas un instant l’idée de pour­  lines du Midi sont dans un grand état de
           suivre l’enquête laborieuse et prudente com­  prospérité, parce que les compagnies qui ex­
           mencée par les ministres de Louis-Philippe.   ploitent cette industrie,disposant de capitaux
           Pendant le règne précédent, l’opposition   considérables, ont mis à la tête de leur ex­
           avait tant bataillé contre l’impôt du sel, et   ploitation des ingénieurs d’un grand mérite
           tiré un si bon parti de cette machine de   qui maintiennent la fabrication du sel à la
           guerre contre le gouvernement, qu’elle ne   hauteur de tous les progrès modernes. La
           pouvait se dispenser, une fois au pouvoir,   chaleur du climat favorise, d’ailleurs, et rend
           de justifier ses paroles par ses actes. Elle   régulière l’évaporation des eaux. Au con­
           n’y manqua pas d’ailleurs. L’impôt du sel   traire, les salines de l’Ouest, morcelées en une
           fut supprimé net : 60 millions furent rayés   foule de parts, sont entre les mains de
           du budget, d’un trait de plume.           propriétaires sans instruction, et de paysans
             Pendant que l’on faisait ainsi disparaître   qui ignorent jusqu’à l’usage de l’aréomètre.
           un impôt qui ne frappait chaque contri­   De plus, le climat pluvieux de l’Ouest est un
           buable que de l'r,60 par tête, on établissait   grand obstacle à la régularité de l’exploi­
           le fameux impôt des 45 centimes, qui dou­  tation. Par toutes ces causes, l’Ouest est en
           blait la contribution foncière. L’impôt du   décadence et le Midi en progrès. De là,
           sel était impopulaire, disait-on, celui des  jalousies, plaintes, demandes d’indemni­
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