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ment par excellence; » il recommande de le donna chez les anciens l’épitaphe de salax,
mêler à tous les aliments. Pline le déclare parce qu’elle avait, dit-on, révélé à l’homme
indispensable à la vie, et veut qu’on le mange l’existence et les propriétés du sel.
comme un mets, avec le pain.
Les premiers Européens qui arrivèrent Ici se présente une question intéressante.
dans le Nouveau-Monde, trouvèrent que le Quelle est la quantité de sel qu’un homme
sel constituait la principale, sinon l’unique consomme par jour? C’est là un problème
branche de commerce, parmi les tribus de qui a beaucoup préoccupé les économistes, à
ce pays les plus riches et les plus avancées l’époque où la question du sel était vive
dans la civilisation. ment discutée en France. Des recherches sta
On sale le pain chez tous les peuples ; et tistiques très-minutieuses furent entreprises
dans les provinces maiitines, on emploie à cette époque, de sorte que nous savons
souvent l’eau de mer pour pétrir le pain. aujourd’hui fort exactement la quantité de
Chez les moines chartreux du Moyen sel que consomme par an, une personne
âge, on ne salait pas le pain ; mais c’était prise en un point quelconque de l’Eu
par mortification chrétienne. Néanmoins, rope.
dans certains jours de pénitence, où la règle En ce qui concerne la France, un écono
imposait le régime unique du pain et de miste immortel, Necker, dans son célèbre
l’eau, l’Eglise permettait l’usage du pain ouvrage sur la Richesse territoriale de la
salé. Nous pensons que cet adoucissement France, avait fixé à 3 kilogrammes par an,
avait été imposé par la force des choses, ou la consommation du sel par chaque habitant
par cette remarque, avérée, qu’un régime de la France. De son côté, l’illustre Lavoisier,
alimentaire se bornant à du pain non salé, par ses recherches personnelles, était arrivé
était une espèce d’empoisonnement. à peu près au même chiffre.
Haller, dans sa Physiologie, cite, à la vé Vauban, dans sa Dîme royale de 1708,
rité, des peuples sauvages qui ne connais évalue la consommation du sel en France
saient pas le sel ; mais les aliments qui ser à 3kil,53 par tête. Gay-Lussac, dans son
vaient à leur nourriture devaient contenir Rapport fait en 1838, à la Chambre des
naturellement une certaine quantité de Pairs, à propos d’une loi proposée pour
chlorure de sodium. la réduction de l’impôt du sel, évalue à
Du reste, le besoin d’un excitant de la di 6 kilogrammes par tête la consomma
gestion n’est pas exclusif à l’homme ; les tion du sel en France ; et il donne, un
animaux le partagent. Quand un troupeau chiffre de 3 à 6,8 kilogrammes comme
de moutons passe sur les bords d’une eau les moyennes de la consommation indivi
chargée de sel marin, quand il arrive vers duelle du sel dans les royaumes de Saxe,
une muraille présentant des efflorescences Wurtemberg, Autriche, Piémont et Bel
salées, y passerait-il vingt fois dans la jour gique.
née, il se dirigera chaque fois vers la source En 1870, parut un rapport remarquable
minérale, vers l’efflorescence saline. En sur VEmploi du sel en Angleterre, adressé au
Amérique, dans les états de l’Ohio, d’in- Ministre de l’agriculture et du commerce,
diana, de Kentucky, on cherche les sources par le savant naturaliste, Milne-Edwards.
salées et les gîtes salifères en suivant les On trouve très-minutieusement relevés, dans
pistes que les bandes de buffles ont laissées ce travail, les chiffres de la consommation
sur les sentiers qui y conduisent. individuelle du sel, tant en France qu’en
La chèvre est si friande de sel qu’on lui Angleterre, en Belgique et autres pays.