Page 658 - Les merveilles de l'industrie T1
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634                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


            ment par excellence; » il recommande de le   donna chez les anciens l’épitaphe de salax,
            mêler à tous les aliments. Pline le déclare   parce qu’elle avait, dit-on, révélé à l’homme
            indispensable à la vie, et veut qu’on le mange   l’existence et les propriétés du sel.
            comme un mets, avec le pain.
              Les premiers Européens qui arrivèrent     Ici se présente une question intéressante.
            dans le Nouveau-Monde, trouvèrent que le   Quelle est la quantité de sel qu’un homme
            sel constituait la principale, sinon l’unique   consomme par jour? C’est là un problème
            branche de commerce, parmi les tribus de   qui a beaucoup préoccupé les économistes, à
            ce pays les plus riches et les plus avancées   l’époque où la question du sel était vive­
            dans la civilisation.                     ment discutée en France. Des recherches sta­
              On sale le pain chez tous les peuples ; et   tistiques très-minutieuses furent entreprises
            dans les provinces maiitines, on emploie   à cette époque, de sorte que nous savons
            souvent l’eau de mer pour pétrir le pain.  aujourd’hui fort exactement la quantité de
              Chez les moines chartreux du Moyen      sel que consomme par an, une personne
            âge, on ne salait pas le pain ; mais c’était   prise en un point quelconque de l’Eu­
           par mortification chrétienne. Néanmoins,   rope.
           dans certains jours de pénitence, où la règle   En ce qui concerne la France, un écono­
           imposait le régime unique du pain et de    miste immortel, Necker, dans son célèbre
           l’eau, l’Eglise permettait l’usage du pain   ouvrage sur la Richesse territoriale de la
           salé. Nous pensons que cet adoucissement   France, avait fixé à 3 kilogrammes par an,
           avait été imposé par la force des choses, ou   la consommation du sel par chaque habitant
           par cette remarque, avérée, qu’un régime   de la France. De son côté, l’illustre Lavoisier,
           alimentaire se bornant à du pain non salé,   par ses recherches personnelles, était arrivé
           était une espèce d’empoisonnement.        à peu près au même chiffre.
             Haller, dans sa Physiologie, cite, à la vé­  Vauban, dans sa Dîme royale de 1708,
           rité, des peuples sauvages qui ne connais­  évalue la consommation du sel en France
           saient pas le sel ; mais les aliments qui ser­  à 3kil,53 par tête. Gay-Lussac, dans son
           vaient à leur nourriture devaient contenir   Rapport fait en 1838, à la Chambre des
           naturellement une certaine quantité de    Pairs, à propos d’une loi proposée pour
           chlorure de sodium.                       la réduction de l’impôt du sel, évalue à
             Du reste, le besoin d’un excitant de la di­  6 kilogrammes par tête la consomma­
           gestion n’est pas exclusif à l’homme ; les   tion du sel en France ; et il donne, un
           animaux le partagent. Quand un troupeau   chiffre de 3 à 6,8 kilogrammes comme
           de moutons passe sur les bords d’une eau   les moyennes de la consommation indivi­
           chargée de sel marin, quand il arrive vers   duelle du sel dans les royaumes de Saxe,
           une muraille présentant des efflorescences   Wurtemberg, Autriche, Piémont et Bel­
           salées, y passerait-il vingt fois dans la jour­  gique.
           née, il se dirigera chaque fois vers la source   En 1870, parut un rapport remarquable
           minérale, vers l’efflorescence saline. En   sur VEmploi du sel en Angleterre, adressé au
           Amérique, dans les états de l’Ohio, d’in-   Ministre de l’agriculture et du commerce,
           diana, de Kentucky, on cherche les sources   par le savant naturaliste, Milne-Edwards.
           salées et les gîtes salifères en suivant les   On trouve très-minutieusement relevés, dans
           pistes que les bandes de buffles ont laissées   ce travail, les chiffres de la consommation
           sur les sentiers qui y conduisent.        individuelle du sel, tant en France qu’en
             La chèvre est si friande de sel qu’on lui   Angleterre, en Belgique et autres pays.
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